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l’invasion de la mer

cernait l’entreprise du capitaine Roudaire, leur opposition n’avait jamais fléchi un seul jour.

Telle était la situation avant l’arrestation du chef touareg. Ces diverses tribus du Melrir, comme celle de Zenfig, allaient être ruinées par l’inondation des chotts. Elles ne pourraient pas continuer leur métier de pirates. Plus de kafila à traverser le Djerid entre Biskra et Gabès. Et, de plus, ne serait-il pas devenu facile de les atteindre jusque dans leurs repaires lorsque les navires pourraient s’en approcher, lorsqu’ils n’auraient plus pour les protéger ce sol mouvant où chevaux et cavaliers risquaient de s’engloutir à chaque pas !

On sait dans quelles conditions Hadjar avait été fait prisonnier, après une rencontre avec les spahis du capitaine Hardigan, comment il fut enfermé dans le fort de Gabès, et comment, avec l’aide de sa mère, de son frère, de quelques-uns de ses fidèles, Ahmet, Harrig, Horeb, il était parvenu à s’enfuir la veille du jour où un aviso allait le transporter à Tunis pour y être jugé par un conseil de guerre. Que l’on sache donc aussi que Hadjar, après son évasion, avait pu heureusement franchir la région des sebkha et des chotts et regagner l’oasis de Zenfig où Djemma n’avait pas tardé à le rejoindre.

Cependant, la nouvelle de l’arrestation de Hadjar, lorsqu’elle fut connue à Zenfig, y provoqua une extraordinaire émotion. Ce chef touareg, pour lequel ses partisans s’étaient dévoués jusqu’à la mort, entre les mains de ses impitoyables ennemis ?… Pouvait-on espérer qu’il leur échapperait ?… N’était-il pas condamné d’avance ?…

Aussi avec quel enthousiasme on accueillit son retour ! Le fugitif fut porté en triomphe. De tous côtés, de joyeuses détonations éclatèrent ; de toutes parts, battirent les « tabel », qui sont les tambours, et résonnèrent les « rebaza », qui sont les violons des orchestres touareg. À la faveur de cet incroyable délire, Hadjar n’aurait eu qu’un signe à faire pour jeter tous ses fidèles sur les bourgades du Djerid !