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l’invasion de la mer

« Décidément, dit l’ingénieur, il y a là quelque bête blessée ou morte… Un de ces lions qui se sont battus entre eux…

— Dommage que ça ne soit pas bon à manger, car on en mangerait dit un des spahis.

— Allons voir », répondit le capitaine Hardigan.

Tous suivirent le chien qui les guidait en aboyant, et, à une centaine de pas, ils trouvèrent un animal qui nageait dans son sang.

Ce n’était point un lion, mais une antilope de grande taille, que les fauves avaient étranglée, pour laquelle ils s’étaient battus sans doute, et qu’ils avaient abandonnée, tant la fureur les excitait les uns contre les autres.

« Ah ! fameux cela… fameux ! » s’écria le brigadier. Voilà un gibier que nous n’aurions jamais pris !… Il arrive à propos, et nous aurions une réserve de viande pour tout notre voyage ! »

C’était là, vraiment, une heureuse chance ! Les fugitifs n’en seraient plus réduits aux racines et aux dattes. Les spahis et Pistache se mirent aussitôt à la besogne, et détachèrent les meilleurs morceaux de l’antilope dont ils donnèrent sa part à Coupe-à-cœur. Cela faisait quelques kilos de bonne chair qu’ils rapportèrent au campement. On alluma du feu, on plaça quelques tranches sur les charbons ardents, et, si tous se régalèrent de succulentes grillades, il n’y a pas lieu d’y insister.

En vérité, chacun avait repris de nouvelles forces après ce déjeuner inattendu où la viande remplaçait les fruits. Et, dès qu’il fut terminé à la satisfaction générale :

« En route, dit le capitaine Hardigan. Il ne faut pas s’attarder… une poursuite des Touareg de Zenfig est toujours à redouter. »

En effet, et, avant de quitter leur campement, les fugitifs observèrent-ils avec grande attention toute cette lisière de l’Hinguiz qui se prolongeait vers la bourgade. Elle était déserte et, sur toute l’étendue du chott, à l’est comme à l’ouest, ne se montrait aucune créature vivante. Et, non seulement les fauves et les ruminants ne s’aventuraient jamais sur ces régions désolées,