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l’invasion de la mer

influence, Hadjar avait acquis les qualités d’un apôtre, dont il avait la belle figure à barbe noire, les yeux ardents, l’attitude résolue. Aussi, à sa voix, les tribus l’auraient-elles suivi à travers les immensités du Djerid s’il eût voulu les entraîner contre les étrangers et les pousser à la guerre sainte.

C’était donc un homme dans toute la vigueur de l’âge, mais il n’aurait pu mener à bien sa tentative d’évasion s’il n’eût été aidé du dehors. En effet, il ne suffisait pas d’arriver à l’orifice de l’égout après en avoir forcé la grille. Hadjar connaissait le golfe ; il savait qu’il s’y forme des courants de grande violence, bien que les marées y soient faibles, ainsi qu’il en est dans tout le bassin de la Méditerranée ; il n’ignorait pas qu’aucun nageur ne peut leur résister, et qu’il serait emporté au large sans avoir pu prendre pied sur une des grèves en amont ou en aval du fort.

Donc, il fallait qu’il trouvât une embarcation à l’extrémité de ce passage dans l’angle de la courtine et du bastion.

Tels furent les renseignements que donna Harrig à ses compagnons.

Lorsqu’il eut achevé, le mercanti se contenta de dire :

« J’ai là-bas un canot à votre disposition…

— Et tu me conduiras ?… demanda Sohar.

— Quand le moment sera venu…

— Tu auras rempli tes conditions… nous remplirons les nôtres, ajouta Harrig, et nous doublerons la somme qu’on t’a promise, si nous réussissons…

— Vous réussirez », affirma le mercanti, qui, en sa qualité de Levantin, ne voyait dans tout cela qu’une affaire dont il espérait retirer de gros bénéfices.

Sohar s’était relevé et dit :

« À quelle heure Hadjar nous attend-il ?

— Entre onze heures et minuit, répondit Harrig.

— Le canot sera là bien avant, répliqua Sohar, et, mon frère