Page:Verne - L’Invasion de la mer - Le Phare du bout du monde, Hetzel, 1905.djvu/273

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
5
INAUGURATION.

passer sur cette île déserte, sans communication possible avec ses semblables, jusqu’au jour où tous trois seraient relevés de leur poste.

Pour finir, Vasquez ajouta :

« Vois-tu, garçon, depuis quarante ans, j’ai un peu couru toutes les mers de l’ancien et du nouveau continent, mousse, novice, matelot, maître. Eh bien, maintenant qu’est venu l’âge de la retraite, je ne pouvais désirer mieux que d’être gardien d’un phare, et quel phare !… Le Phare du bout du Monde !… »

Et, en vérité, à l’extrémité de cette île perdue, si loin de toute terre habitée et habitable, ce nom, il le justifiait bien !

« Dis-moi, Felipe, reprit Vasquez, qui secoua sa pipe éteinte sur le creux de sa main, à quelle heure vas-tu remplacer Moriz ?

— À dix heures.

— Bon, et c’est moi qui, à deux heures du matin, irai prendre ton poste jusqu’au lever du jour.

— Entendu, Vasquez. Aussi, ce que nous avons de plus sage à faire tous les deux, c’est d’aller dormir.

— Au lit, Felipe, au lit ! »

Vasquez et Felipe remontèrent vers la petite enceinte au milieu de laquelle se dressait le phare, et entrèrent dans le logement dont la porte se referma sur eux.

La nuit fut tranquille. À l’instant où elle prenait fin, Vasquez éteignit le feu allumé depuis douze heures.

Généralement faibles dans le Pacifique, surtout le long des côtes de l’Amérique et de l’Asie que baigne ce vaste Océan, les marées sont, au contraire, très fortes à la surface de l’Atlantique et elles se font sentir avec violence jusque dans les lointains parages de la Magellanie.

Le jusant, ce jour-là, commençant à six heures du matin, l’aviso, pour en profiter, aurait dû appareiller dès la pointe du jour. Mais ses préparatifs n’étaient pas entièrement terminés, et