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Page:Verne - L’Invasion de la mer - Le Phare du bout du monde, Hetzel, 1905.djvu/274

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LE PHARE DU BOUT DU MONDE.

le commandant ne comptait sortir de la baie d’Elgor qu’à la marée du soir.

Le Santa-Fé, de la marine militaire de la République Argentine, jaugeant deux cents tonnes, possédant une force de cent soixante chevaux, commandé par un capitaine et un second officier, ayant une cinquantaine d’hommes d’équipage, compris les maîtres, était employé à la surveillance des côtes, depuis l’embouchure du Rio de la Plata jusqu’au détroit de Lemaire sur l’Océan Atlantique. À cette époque, le génie maritime n’avait pas encore construit ses bâtiments à marche rapide, croiseurs, torpilleurs et autres. Aussi, sous l’action de son hélice, le Santa-Fé ne dépassait-il pas neuf milles à l’heure, vitesse suffisante, d’ailleurs, pour la police des côtes patagones et fuégiennes uniquement fréquentées par les bateaux de pêche.

Cette année-là, l’aviso avait eu pour mission de suivre les travaux de construction du phare que le gouvernement argentin faisait élever à l’entrée du détroit de Lemaire. C’est à son bord que furent transportés le personnel et le matériel nécessités par ce travail qui venait d’être mené à bonne fin suivant les plans d’un habile ingénieur de Buenos-Ayres.

Il y avait environ trois semaines que le Santa-Fé se trouvait à ce mouillage au fond de la baie d’Elgor. Après avoir débarqué des provisions pour quatre mois, après s’être assuré que rien ne manquerait aux gardiens du nouveau phare jusqu’au jour de la relève, le commandant Lafayate allait ramener les ouvriers envoyés à l’Île des États. Si même certaines circonstances imprévues n’eussent retardé l’achèvement des travaux, le Santa-Fé aurait dû être, depuis un mois déjà, de retour à son port d’attache.

En somme, pendant toute sa relâche, le commandant Lafayate n’avait rien eu à craindre au fond de cette baie très abritée contre les vents du nord, du sud et de l’ouest. Seuls les gros temps du large auraient pu le gêner. Mais le printemps s’était montré clé-