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Page:Verne - L’Invasion de la mer - Le Phare du bout du monde, Hetzel, 1905.djvu/366

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LE PHARE DU BOUT DU MONDE.

chambre eût indiqué qu’elle était occupée par trois personnes. L’un des gardiens avait donc pu éviter le sort de ses malheureux camarades. Où s’était-il réfugié ? Kongre s’en préoccupait peu, on le sait. Seul, sans ressources, le fugitif aurait bientôt succombé à la misère, à la faim.

Cependant, si le temps ne manquait pas pour les réparations de la goélette, il y avait toujours lieu de compter avec les retards possibles, et précisément, dès le début, on dut interrompre le travail à peine commencé.

On venait de terminer le déchargement de la Maule, que Kongre avait résolu d’abattre en carène le lendemain, lorsque, dans la nuit du 3 au 4 janvier, un brusque changement atmosphérique se produisit.

Pendant cette nuit, des masses de nuages s’accumulèrent à l’horizon du sud. Tandis que la température s’élevait jusqu’à seize degrés, le baromètre tombait soudain à tempête. De nombreux éclairs embrasèrent le ciel. La foudre éclatait de toutes parts. Le vent se déchaînait avec une extraordinaire violence ; la mer démontée passait en grand par-dessus les récifs, et se brisait contre les falaises. Il était vraiment heureux que la Maule fût ancrée dans la baie d’Elgor bien abritée contre ce vent du sud-est. Par un tel temps, un bâtiment de fort tonnage, voilier ou steamer, aurait couru le risque d’être affalé sur les côtes de l’île. À plus forte raison un navire d’aussi faible gabarit que la Maule.

Tels étaient l’impétuosité de cette bourrasque, le trouble de l’Océan au large, qu’une véritable houle, envahissait toute la crique. Au plein de la marée, l’eau montait au pied des falaises, et la grève, au bas de l’enceinte, était complètement inondée. Des lames déferlaient jusqu’au logement des gardiens, et leurs embruns atteignaient à un demi-mille de là le petit bois de hêtres.

Tous les efforts de Kongre et de ses compagnons durent tendre à