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LA MAULE EN RÉPARATION.

maintenir la Maule à son mouillage. Plusieurs fois elle chassa sur son ancre, menaçant de s’échouer sur la grève. Il fallut affourcher une seconde ancre pour aider la première. À deux reprises on put craindre un désastre complet.

Cependant, tout en veillant jour et nuit sur la Maule, la bande s’était installée dans les annexes, où elle n’avait rien à redouter de la tourmente. Les literies des cabines et du poste d’équipage y furent transportées, et il y eut place suffisante pour loger cette quinzaine d’hommes. Ils n’avaient jamais eu pareille installation pendant tout leur séjour sur l’Île des États.

Quant aux provisions, il n’y avait pas à s’en préoccuper. Celles que contenait le magasin du phare auraient suffi, et au delà, même s’il y avait eu le double de bouches à nourrir. Et, d’ailleurs, en cas de besoin, on aurait pu recourir aux réserves de la caverne. En somme, le ravitaillement de la goélette était assuré pour une longue traversée dans les mers du Pacifique.

Le mauvais temps dura jusqu’au 12 janvier et ne prit fin que dans la nuit du 12 au 13. Toute une semaine perdue, car il avait été impossible de travailler. Même Kongre avait jugé prudent de remettre une partie du lest dans la goélette, qui roulait comme un canot. On avait fort à faire déjà pour l’écarter des roches du fond contre lesquelles elle se fût brisée tout comme à l’entrée de la baie d’Elgor.

Le vent changea pendant cette nuit et sauta brusquement dans l’ouest-sud-ouest. Ce fut du côté du cap Saint-Barthélemy que la mer devint très dure, car il soufflait une brise à trois ris. Si la Maule eût encore été à l’anse du cap, elle s’y fût assurément démolie.

Durant cette semaine un navire avait passé en vue de l’Île des États. C’était de jour. Il n’avait donc pas eu à prendre connaissance du phare, et ne put constater qu’il n’était plus allumé entre le coucher et le lever du soleil. Il venait du nord-est et donna sous voilure réduite dans le détroit de Lemaire, le pavillon français flottant à sa corne.