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LA CHASSE AU MÉTÉORE

Jenny Hudelson l’eussent au contraire considéré comme la plus heureuse des solutions. Le bolide disparu, ceux dont leur bonheur dépendait n’auraient plus rien à revendiquer, pas même l’honneur de lui donner leur nom. Ce serait un grand pas vers la réconciliation tant désirée.

Cette manière de voir des deux jeunes gens, il est douteux qu’elle fût partagée par les nombreux passagers du Mozik et de la dizaine d’autres bâtiments de toutes nations, alors mouillés devant Upernivik. Ceux-là tenaient à voir quelque chose, puisqu’ils étaient venus pour ça.

Ce n’est pas, en tout cas, la nuit qui s’opposerait à ce que leur désir fût satisfait. Pendant quatre-vingts jours, dont moitié avant et moitié après le solstice d’été, le soleil ne se lève ni ne se couche, à cette latitude. On aurait donc les plus grandes chances d’y voir clair pour rendre visite au météore, si, conformément aux affirmations de J. B. K. Lowenthal, le sort l’amenait aux environs de la station.

Dès le lendemain de l’arrivée, une foule composée d’éléments très divers se répandit autour des quelques maisonnettes en bois d’Upernivik, dont la principale arbore le pavillon blanc à croix rouge du Groënland. Jamais Groenlandais et Groenlandaises n’avaient vu tant de monde affluer sur leurs lointains rivages.

Des types assez curieux, ces Groënlandais, principalement sur la côte occidentale. Petits ou de moyenne taille, trapus, vigoureux, courts de jambes, mains et attaches fines, carnation d’un blanc jaunâtre, figure large et aplatie, presque sans nez, yeux bruns et légèrement bridés, chevelure noire et rude qui leur retombe sur la face, ils ressemblent quelque peu à leurs phoques, dont ils ont la physionomie douce, et aussi la confortable couche de graisse qui les défend contre le froid. Les vêtements sont les mêmes pour les deux sexes : bottes, pantalons, « amaout » ou capuche ; toutefois les femmes, gracieuses et rieuses dans la jeunesse, relèvent leurs cheveux en cimier, s’affublent d’étoffes modernes, s’ornent de rubans multicolores. La mode du tatouage, jadis très en faveur, a disparu sous l’influence des missionnaires, mais ces peuplades ont conservé un goût passionné pour le chant et la danse, qui sont leurs uniques distractions. Pour boisson elles ont de l’eau ; pour nourriture, la chair des phoques et de chiens comestibles, du poisson