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LA CHASSE AU MÉTÉORE

« Tu dois bien comprendre, mon cher Zéphyrin, lui disait-il, que M. de Schnack a raison, et qu’il est impossible de laisser à une seule créature la libre disposition d’une somme aussi colossale. Il est donc naturel qu’on intervienne. Mais laisse-moi faire. Quand la première émotion sera calmée, j’interviendrai à mon tour, et je considère comme impossible qu’on ne tienne pas compte dans une large mesure de la justice de notre cause. J’obtiendrai quelque chose, ce n’est pas douteux.

— Quelque chose ! se récriait Xirdal. Eh ! je m’en moque pas mal, de votre quelque chose. Que voulez-vous que je fasse de cet or ? Est-ce que j’en ai besoin, moi ?

— Alors, objectait M. Lecœur, pourquoi t’exciter si fort ?

— Parce que le bolide est à moi. Ça me révolte qu’on veuille le prendre. Je ne le supporterai pas.

— Que peux-tu contre toute la terre, mon pauvre Zéphyrin ?

— Si je le savais, ce serait fait. Mais, patience !… Quand cette espèce de délégué a émis la prétention de prendre mon bolide, c’était dégoûtant. Que dire aujourd’hui !… Maintenant, autant de pays, autant de voleurs. Sans compter qu’ils vont se déchirer entre eux, à ce qu’on prétend… Du diable si je n’aurais pas bien fait de laisser le bolide où il était ! Ça m’a paru farce à moi, de le faire tomber. J’ai trouvé l’expérience intéressante… Si j’avais su !… De pauvres hères qui n’ont pas dix sous en poche, qui vont se battre maintenant à propos de milliards !… Vous direz ce que vous voudrez, c’est de plus en plus dégoûtant ! »

Xirdal ne sortait pas de là.

Il avait tort, en tout cas, d’être irrité contre M. de Schnack. Le malheureux délégué, pour employer une expression familière, n’en menait pas large, lui non plus. Cet envahissement du territoire groenlandais ne lui disait rien qui vaille, et la prodigieuse fortune de la République lui paraissait reposer sur des bases bien fragiles. Que faire cependant ? Pouvait-il rejeter à la mer, avec ses cinquante hommes, les trois cent vingt marins étrangers, canonner, torpiller, couler bas, les seize mastodontes cuirassés qui l’entouraient ?

Non évidemment, il ne le pouvait pas. Mais, ce qu’il pouvait, du moins, ce qu’il devait même, c’était protester au nom de son pays contre la violation du sol national.

Un jour que les deux commandants anglais et français étaient