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LA CHASSE AU MÉTÉORE

elle plus émettre un son ? Ce qui est certain, c’est qu’il ne parvint pas à répondre. Eût-il même voulu, au paroxysme de la colère, flanquer à la porte sa fidèle mais acariâtre Mitz, qu’il lui aurait été impossible de prononcer le traditionnel : « Sortez !… sortez à l’instant, et que je ne vous revoie plus ! »

Mitz, d’ailleurs, ne lui eût point obéi. Ce n’est pas après cinquante ans de service qu’une servante se sépare, à propos d’un malencontreux météore, du maître qu’elle a vu venir au monde.

Cependant il était temps que cette scène prit fin. Mr Dean Forsyth, comprenant qu’il n’aurait pas le dessus, cherchait à battre en retraite sans que ce mouvement ressemblât trop à une fuite.

Ce fut le soleil qui lui vint en aide. Le temps s’éclaircit soudain, un vif rayon pénétra à travers les vitres de la fenêtre qui s’ouvrait sur le jardin.

À ce moment, sans nul doute, le docteur Hudelson était sur son donjon, telle est la pensée qui vint aussitôt à Mr Dean Forsyth. Il voyait son rival, profitant de cette éclaircie, l’œil à l’oculaire de son télescope et parcourant les hautes zones de l’espace !…

Il n’y put tenir. Ce rayon de soleil faisait sur lui le même effet que sur un ballon rempli de gaz. Il le gonflait, il accroissait sa force ascensionnelle, l’obligeait à s’élever dans l’atmosphère.

Mr Dean Forsyth, jetant, comme du lest, — ceci pour achever la comparaison — toute la colère amassée en lui, se dirigea vers la porte.

Malheureusement, Mitz était devant, et ne semblait point disposée à lui livrer passage. Serait-il donc dans la nécessité de la prendre par le bras, d’engager une lutte avec elle, de recourir à l’assistance d’Omicron ?…

Il ne fut pas obligé d’en arriver à cette extrémité. À n’en pas douter, la vieille servante était très éprouvée par l’effort qu’elle venait de faire. Bien qu’elle eût assez l’habitude de morigéner son maître, jamais jusqu’alors elle n’y avait mis une telle impétuosité.

Fut-ce l’effort physique nécessité par cette violence, fut-ce la gravité du sujet de la discussion, sujet des plus palpitants puisqu’il s’agissait du bonheur futur de son cher « fieu »,