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Page:Verne - La Jangada, 1881, t1.djvu/13

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UN CAPITAINE DES BOIS.

De taille moyenne, large d’épaules, les traits réguliers, la démarche assurée, le visage très hâlé par l’air brûlant des tropiques, il portait une épaisse barbe noire. Ses yeux, perdus sous des sourcils rapprochés, jetaient ce regard vif, mais sec, des natures impudentes. Même au temps où le climat ne l’avait pas encore bronzée, sa face, loin de rougir facilement, devait plutôt se contracter sous l’influence des passions mauvaises.

Torrès était vêtu à la mode fort rudimentaire du coureur des bois. Ses vêtements témoignaient d’un assez long usage : sur sa tête, il portait un chapeau de cuir à larges bords, posé de travers : sur ses reins, une culotte de grosse laine, se perdant sous la tige d’épaisses bottes, qui formaient la partie la plus solide de ce costume ; sur le tout, un « puncho » déteint, jaunâtre, ne laissant voir ni ce qu’était la veste, ni ce qu’avait été le gilet, qui lui couvraient la poitrine.

Mais, si Torrès était un capitaine des bois, il était évident qu’il n’exerçait plus ce métier, du moins dans les conditions où il se trouvait actuellement. Cela se voyait à l’insuffisance de ses moyens de défense ou d’attaque pour la poursuite des noirs. Pas d’arme à feu : ni fusil, ni revolver. À la ceinture, seulement, un de ces engins qui tiennent plus du