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LA JANGADA.

sabre que du couteau de chasse et qu’on appelle une « manchetta ». En outre, Torrès était muni d’une « enchada », sorte de houe, plus spécialement employée à la poursuite des tatous et des agoutis, qui abondent dans les forêts du Haut-Amazone, où les fauves sont généralement peu à craindre.

En tout cas, ce jour-là, 4 mai 1852, il fallait que cet aventurier fût singulièrement absorbé dans la lecture du document sur lequel ses yeux étaient fixés, où que, très habitué à errer dans ces bois du Sud-Amérique, il fût bien indiffèrent à leurs splendeurs. En effet, rien ne pouvait le distraire de son occupation : ni ce cri prolongé des singes hurleurs, que M. Saint-Hilaire a justement comparé au bruit de la cognée du bûcheron s’abattant sur les branches d’arbres ; — ni le tintement sec des anneaux du crotale, serpent peu agressif, il est vrai, mais excessivement venimeux ; — ni la voix criarde du crapaud cornu, auquel appartient le prix de hideur dans la classe des reptiles ; — ni même le coassement à la fois sonore et grave de la grenouille mugissante, qui, si elle ne peut prétendre à dépasser le bœuf en grosseur, l’égale par l’éclat de ses beuglements.

Torrès n’entendait rien de tous ces vacarmes, qui sont comme la voix complexe des forêts du Nouveau Monde. Couché au pied d’un arbre magnifique, il