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LES PREMIERS INSTANTS.

pensée de se livrer à une ignoble opération de chantage, préparée de longue main.

— Et lorsque nous lui avons appris, dit Benito, que mon père et toute sa famille se préparaient à repasser la frontière, il a brusquement changé son plan de conduite ?…

— Oui, Benito, parce que Joam Dacosta, une fois sur le territoire brésilien, devait être plus à sa merci qu’au delà de la frontière péruvienne. Voilà pourquoi nous avons retrouvé Torrès à Tabatinga, où il attendait, où il épiait notre arrivée.

— Et moi qui lui ai offert de s’embarquer sur la jangada ! s’écria Benito avec un mouvement de désespoir.

— Frère, lui dit Manoel, ne te reproche rien ! Torrès nous aurait rejoints tôt ou tard ! Il n’était pas homme à abandonner une pareille piste ! S’il nous eût manqués à Tabatinga, nous l’aurions retrouvé à Manao !

— Oui ! Manoel, tu as raison ! Mais il ne s’agit plus du passé, maintenant… il s’agit du présent !… Pas de récriminations inutiles ! Voyons !… »

Et, en parlant ainsi, Benito, passant sa main sur son front, cherchait à ressaisir tous les détails de cette triste affaire.

« Voyons, demanda-t-il, comment Torrès a-t-il