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DE ROTTERDAM À COPENHAGUE.

la mince couche de glace qui recouvre les branches réchauffées par la sève, et tout s’épanouit à la fois avec une vigueur qui manque à nos climats tempérés.

De Rendsburg jusqu’à la vaste baie de Kiel, c’est un véritable parc que l’on traverse, une sorte de Saint-Cloud, dont les arbres auraient deux cents pieds de haut, principalement des hêtres qui ont remplacé les chênes et les sapins de la période glaciaire. Ici l’Eider s’élargit en vastes bassins successifs aux eaux profondes et calmes, qui reflètent sans les altérer l’image de leurs rives pittoresques. Plus loin, la rivière se rétrécit et serpente en replis sinueux au milieu des grands arbres qui se rejoignent au-dessus et forment une voûte de ramure impénétrable aux rayons du soleil. Le yacht passe en glissant doucement sous ces ombrages mystérieux, entre les grosses balises de bois et le clayonnage des berges. Il semble aller vers l’inconnu. Autour de lui, tout n’est que feuillage, et la rivière disparaît dans un fouillis de verdure. Les roseaux s’inclinent devant notre soudaine apparition ; les plantes aquatiques, aux larges feuilles tranquilles, s’agitent un instant et disparaissent, comme prises d’une frayeur subite, dans les profondeurs de l’onde. Et, comme pour donner son cachet particulier à ce délicieux paysage, tandis que les chardonnerets s’échappent des buis-