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LA JANGADA

le cœur de l’honnête magistrat ? on le devine aisément. Ce n’était plus à l’avocat que s’adressait l’accusé, c’était au juge suprême de la province qu’un condamné faisait appel. Joam Dacosta se livrait entièrement à lui et ne lui demandait même pas le secret.

Le juge Ribeiro, tout d’abord troublé par cette révélation inattendue, se remit bientôt et pesa scrupuleusement les devoirs que lui imposait sa situation. C’était à lui qu’incombait la charge de poursuivre les criminels, et voilà qu’un criminel venait se remettre entre ses mains. Ce criminel, il est vrai, il l’avait défendu ; il ne doutait pas qu’il eût été injustement condamné ; sa joie avait été grande de le voir échapper par la fuite au dernier supplice ; au besoin même, il eût provoqué, il eût facilité son évasion !… Mais ce que l’avocat eût fait autrefois, le magistrat pouvait-il le faire aujourd’hui ?

« Eh bien, oui ! se dit le juge, ma conscience m’ordonne de ne pas abandonner ce juste ! La démarche qu’il fait aujourd’hui est une nouvelle preuve de sa non-culpabilité, une preuve morale, puisqu’il ne peut en apporter d’autres, mais peut-être la plus convaincante de toutes ! Non ! je ne l’abandonnerai pas ! »

À partir de ce jour, une secrète correspondance s’établit entre le magistrat et Joam Dacosta. Ribeiro