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allahabad.

— Aucune, monsieur Banks. Est-ce que vous auriez quelque motif de soupçonner…

— Nous avons été espionnés pendant notre excursion à Bénarès, répondit l’ingénieur, et je n’aime pas qu’on nous espionne !

— Cet espion, c’était…

— Un Bengali, auquel le nom du colonel Munro a donné l’éveil.

— Que peut nous vouloir cet homme ?

— Je ne sais, Mac Neil. Il faudra veiller !

— On veillera, » répondit le sergent.


CHAPITRE IX.

allahabad


Entre Bénarès et Allahabad la distance est environ de cent trente kilomètres. La route suit presque invariablement la rive droite du Gange, entre le railway et le fleuve. Storr s’était procuré du charbon en briquettes, et il en avait chargé le tender. L’éléphant avait donc sa nourriture assurée pour plusieurs jours. Bien nettoyé, — j’allais dire bien étrillé, — propre comme s’il sortait de l’atelier d’ajustage, il attendait impatiemment le moment de partir. Il ne piaffait pas, non, sans doute, mais quelques frémissements de ses roues attestaient la tension des vapeurs qui emplissaient ses poumons d’acier.

Notre train partit donc de grand matin, le 24, avec une vitesse de trois à quatre milles à l’heure.

La nuit s’était passée sans incidents, et nous n’avions pas revu le Bengali.

Mentionnons ici, une fois pour toutes, que le programme de chaque journée, comprenant heures du lever, heures du coucher, déjeuners, lunchs, dîners, sieste, s’accomplissait avec une exactitude militaire. L’existence à Steam-House s’écoulait aussi régulièrement que dans le bungalow de Calcutta. Le paysage se modifiait incessamment à nos regards, sans que notre habitation eût semblé se déplacer. Nous étions absolument faits à cette nouvelle vie, comme un passager à la vie de bord d’un transatlantique, — moins la monotonie, car nous n’étions pas toujours enfermés dans un même horizon de mer.