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la maison à vapeur.

depuis Allahabad jusqu’à Cawnpore. Mais, surtout, que le nom de cette ville ne soit pas plus prononcé devant le colonel que le nom de Nana Sahib ! Laissons-le maître de sa pensée. »

Le lendemain, Banks voulut encore m’accompagner pendant les quelques heures que j’allais consacrer à visiter Allahabad. Peut-être aurait-il fallu trois jours pour bien voir les trois villes qui la composent. Mais, en somme, elle est moins curieuse que Bénarès, bien qu’elle compte, elle aussi, parmi les cités saintes.

De la ville indoue, il n’y a rien à dire. C’est une agglomération de maisons basses, que séparent des rues étroites, dominées çà et là par des tamarins, qui sont magnifiques.

De la ville anglaise et des cantonnements, rien non plus. Belles avenues bien plantées, riches habitations, larges places, tous les éléments d’une ville destinée à devenir une grande capitale.

Le tout est situé dans une vaste plaine, limitée au nord et au sud par le double cours de la Jumna et du Gange. On l’appelle la « plaine des Aumônes », parce que les princes indous y sont venus de tout temps faire œuvres de charité. D’après ce que rapporte M. Rousselet, qui cite un passage de la Vie de Hionen Thsang, « il est plus méritoire de donner en ce lieu une pièce de monnaie que cent mille ailleurs. »

Le Dieu des chrétiens, lui, ne rend qu’au centuple. C’est cent fois moins, sans doute, mais il m’inspire plus de confiance.

Un mot du fort d’Allahabad, qui est curieux à visiter. Il est construit à l’ouest de cette grande plaine des Aumônes, et profile hardiment ses hautes murailles en grès rouge, dont les projectiles peuvent, qu’on nous passe l’expression, « casser les bras » aux deux fleuves. Au milieu du fort, un palais, devenu un arsenal, autrefois résidence préférée du sultan Akbar, — dans un des coins, le Lât de Féroze-Schachs, superbe monolithe de trente-six pieds, qui supporte un lion, — non loin, un petit temple, que les Indous, auxquels on refuse l’entrée du fort, ne peuvent visiter, bien qu’il soit un des endroits les plus sacrés du monde : tels sont les principaux points de la forteresse qui attirent l’attention des touristes.

Banks m’apprit que le fort d’Allahabad avait aussi sa légende, qui rappelle la légende biblique, relative à la reconstruction du temple de Salomon, à Jérusalem.

Lorsque le sultan voulut bâtir le fort d’Allahabad, il paraît que les pierres se montrèrent fort récalcitrantes. Un mur était-il construit, il s’écroulait aus-