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Page:Verne - La Maison à vapeur, Hetzel, 1902.djvu/241

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le kraal.

d’une porte assez large pour livrer passage aux chariots, l’entourait sur ses quatre côtés. Au fond, au milieu, une longue case, faite de troncs d’arbres et de planches, servait d’unique habitation à tous les habitants du kraal. Six cages, divisées en plusieurs compartiments, montées sur quatre roues chacune, étaient rangées en équerre à l’extrémité gauche de l’enceinte. Aux rugissements qui s’en échappaient alors, on pouvait juger que les hôtes ne leur manquaient pas. À droite, une douzaine de buffles, que nourrissaient les gras pâturages de la montagne, étaient parqués en plein air. C’était l’attelage ordinaire de la ménagerie roulante. Six charretiers, préposés à la conduite des chariots, dix Indous, spécialement exercés à la chasse des fauves, complétaient le personnel de l’établissement.

Les charretiers étaient loués seulement pour la durée de la campagne. Leur service consistait à conduire les chariots sur les lieux de chasse, puis à les ramener à la plus prochaine station du railway. Là, ces chariots prenaient place sur des truks et pouvaient gagner rapidement, par Allahabad, soit Bombay, soit Calcutta.

Les chasseurs, Indous de race, appartenaient à cette catégorie de gens du métier qu’on appelle « chikaris ». Ils ont pour emploi de rechercher les traces des animaux féroces, de les débusquer et d’en opérer la capture.

Tel était le personnel du kraal. Mathias Van Guitt et ses gens y vivaient ainsi depuis quelques mois. Ils s’y trouvaient exposés, non seulement aux attaques des animaux féroces, mais aussi aux fièvres dont le Tarryani est particulièrement infesté. L’humidité des nuits, l’évaporation des ferments pernicieux du sol, la chaleur aqueuse développée sous le couvert des arbres que les vapeurs solaires ne pénètrent qu’imparfaitement, font de la zone inférieure de l’Himalaya une contrée malsaine.

Et cependant, le fournisseur et ses Indous étaient si bien acclimatés à cette région, que la « malaria » ne les atteignait pas plus que les tigres ou autres habitués du Tarryani. Mais il ne nous eût pas été permis, à nous, de séjourner impunément dans le kraal. Cela n’entrait pas, d’ailleurs, dans le plan du capitaine Hod. À part quelques nuits passées à l’affût, nous devions vivre à Steam-House, dans cette zone supérieure, que les buées de la plaine ne peuvent atteindre.

Nous étions donc arrivés au campement de Mathias Van Guitt. La porte s’ouvrit pour nous y donner accès.

Mathias Van Guitt paraissait être très particulièrement flatté de notre visite.