D’ailleurs, le fournisseur, en homme qui savait son métier, ne dispensait que très parcimonieusement la nourriture à ses hôtes. Une fois par jour, à midi, quatre à cinq livres de viande leur étaient distribuées, et rien de plus. Et même, — ce n’était certes pas pour ce motif « dominical » ? — les laissait-on jeûner du samedi au lundi. Triste dimanche de diète, en vérité ! Aussi, lorsque, après quarante-huit heures, arrivait la modeste pitance, c’était une rage impossible à contenir, un concert de hurlements, une redoutable agitation, des bonds formidables, qui imprimaient aux cages roulantes un mouvement de va-et-vient à faire craindre qu’elles ne se démolissent !
Oui, pauvres bêtes ! serait-on tenté de répéter avec le capitaine Hod. Mais Mathias Van Guitt n’agissait pas ainsi sans raison. Cette abstinence dans la séquestration épargnait des affections cutanées à ses fauves et haussait leur prix sur les marchés de l’Europe.
Cependant, on doit aisément l’imaginer, tandis que Mathias Van Guitt nous exhibait sa collection, plutôt en naturaliste qu’en montreur de bêtes, sa bouche ne chômait pas. Au contraire. Il parlait, il contait, il racontait, et comme les carnassiers du Tarryani faisaient le principal sujet de ses redondantes périodes, cela nous intéressait dans une certaine mesure. Aussi, ne devions-nous quitter le kraal que lorsque la zoologie de l’Himalaya nous aurait livré ses derniers secrets.
« Mais, monsieur Van Guitt, dit Banks, pourriez-vous m’apprendre si les bénéfices du métier sont en rapport avec ses risques ?
— Monsieur, répondit le fournisseur, ils étaient autrefois très rémunérateurs. Cependant, depuis quelques années, je suis obligé de le reconnaître, les animaux féroces sont en baisse. Vous pourriez en juger par les prix courants de la dernière cote. Notre principal marché, c’est le jardin zoologique d’Anvers. Volatiles, ophidiens, échantillons des familles simiennes et sauriennes, représentants des carnassiers des deux mondes, c’est là que j’expédie consuétudinairement… »
Le capitaine Hod s’inclina devant ce mot.
« … les produits de nos aventureuses battues dans les forêts de la péninsule. Quoi qu’il en soit, le goût du public semble se modifier, et les prix de vente arriveront à être inférieurs aux prix de revient ! Ainsi, dernièrement, une autruche mâle ne s’est vendue que onze cents francs, et, la femelle, huit cents seulement. Une panthère noire n’a trouvé acquéreur qu’à seize cents francs, une tigresse de Java à deux mille quatre cents, et une famille de lions, — le père,