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la maison à vapeur.

Calcutta, Bénarès, Allahabad, la vallée du Gange. J’ai vu leurs monuments, j’ai admiré…

– Eh ! qu’est cela, monsieur, qu’est cela ! » répondit Mathias Van Guitt, détournant la tête, tandis que sa main, fébrilement agitée, exprimait un dédain suprême.

Puis, procédant par hypotypose, c’est-à-dire se livrant à une description vive et animée :

« Oui, qu’est cela, si vous n’avez pas visité les ménageries de ces puissants rajahs, qui ont conservé le culte des animaux superbes dont s’honore le territoire sacré de l’Inde ! Alors, monsieur, reprenez le bâton du touriste ! Allez dans le Guicowar rendre hommage au roi de Baroda ! Voyez ses ménageries, qui me doivent la plupart de leurs hôtes, lions du Kattyvar, ours, panthères, tchitas, lynx, tigres ! Assistez à la cérémonie du mariage de ses soixante mille pigeons, qui se célèbre, chaque année, en grande pompe ! Admirez ses cinq cents « boulbouls », rossignols de la péninsule, dont on soigne l’éducation comme s’ils étaient les héritiers du trône ! Contemplez ses éléphants, dont l’un, voué au métier d’exécuteur des hautes-œuvres, a pour mission d’écraser la tête du condamné sur la pierre du supplice ! Puis, transportez-vous aux établissements du rajah de Maïssour, le plus riche des souverains de l’Asie ! Pénétrez dans ce palais où se comptent par centaines les rhinocéros, les éléphants, les tigres, et tous les fauves de haut rang qui appartiennent à l’aristocratie animalière de l’Inde ! Et quand vous aurez vu cela, monsieur, peut-être alors ne pourrez-vous plus être accusé d’ignorance à l’endroit des merveilles de cet incomparable pays ! »

Je n’avais qu’à m’incliner devant les observations de Mathias Van Guitt. Sa façon passionnée de présenter les choses ne permettait évidemment pas la discussion.

Cependant, le capitaine Hod le pressa plus directement sur la faune spéciale à cette région du Tarryani.

« Quelques renseignements, s’il vous plaît, lui demanda-t-il, à propos des carnassiers que je suis venu chercher dans cette partie de l’Inde. Bien que je ne sois qu’un chasseur, je vous le répète, je ne vous ferai pas concurrence, monsieur Van Guitt, et même, si je puis vous aider à prendre quelques-uns des tigres qui manquent encore à votre collection, je m’y emploierai volontiers. Mais, la ménagerie au complet, vous ne trouverez pas mauvais que je me livre à la destruction de ces animaux pour mon agrément personnel ! »