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une reine du tarryani.

La décision fut aussitôt prise de se mettre en quête de l’animal, sans même attendre la nuit, puisque la nuit lui permettrait de se mieux dérober aux recherches. Il devait être repu, d’ailleurs, et n’aurait plus quitté son repaire avant deux ou trois jours.

On se mit en campagne. À partir de l’endroit où le buffle avait été saisi, des empreintes sanglantes marquaient le chemin suivi par la tigresse. Ces empreintes se dirigeaient vers un petit taillis, qui avait été battu déjà plusieurs fois, sans qu’on y pût rien découvrir. On résolut donc de cerner ce taillis, de manière à former un cercle que l’animal ne pourrait pas franchir, du moins sans être vu.

Les montagnards se dispersèrent de manière à se rabattre peu à peu vers le centre, en rétrécissant leur cercle. Le capitaine Hod, Kâlagani et moi, nous étions d’un côté, Banks et Fox de l’autre, mais en constante communication avec les gens du kraal et ceux du village. Évidemment, chaque point de cette circonférence était dangereux, puisque, sur chaque point, la tigresse pouvait essayer de la rompre.

Nul doute, d’ailleurs, que l’animal ne fût dans le taillis. En effet, les empreintes, qui y aboutissaient par un côté, ne reparaissaient pas de l’autre. Que là fût sa retraite habituelle, ce n’était pas prouvé, car on l’y avait déjà cherché sans succès ; mais, en ce moment, toutes les présomptions étaient pour que ce taillis lui servît de refuge.

Il était alors huit heures du matin. Toutes les dispositions prises, nous avancions peu à peu, sans bruit, en resserrant de plus en plus le cercle d’investissement. Une demi-heure après, nous étions à la limite des premiers arbres.

Aucun incident ne s’était produit, rien ne dénonçait la présence de l’animal, et, pour mon compte, je me demandais si nous ne manœuvrions pas en pure perte.

À ce moment, il n’était plus possible de se voir qu’à ceux qui occupaient un arc restreint de la circonférence, et il importait, cependant, de marcher avec un parfait ensemble.

Il avait donc été préalablement convenu qu’un coup de fusil serait tiré au moment où le premier de nous pénétrerait dans le bois.

Le signal fut donné par le capitaine Hod, qui était toujours en avant, et la lisière fut franchie. Je regardai l’heure à ma montre. Elle marquait alors huit heures trente-cinq.