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Page:Verne - La Maison à vapeur, Hetzel, 1902.djvu/293

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attaque nocturne.

voir ce qui se passait au dehors, puisque c’était la face grillagée de leur cage qui posait sur le sol.

« Décidément, il y en a trop ! » murmura le capitaine Hod, en rechargeant sa carabine.

À ce moment, un tigre fit un bond prodigieux, et, ses griffes aidant, il parvint à s’accrocher à la fourche d’un arbre, sur laquelle deux ou trois chikaris avaient cherche refuge.

L’un de ces malheureux, saisi à la gorge, essaya vainement de résister et fut précipité à terre.

Une panthère vint disputer au tigre ce corps déjà privé de vie, dont les os craquèrent au milieu d’une mare de sang.

« Mais feu ! feu donc ! » criait le capitaine Hod, comme s’il eût pu se faire entendre de Mathias Van Guitt et de ses compagnons.

Quant à nous, impossible d’intervenir maintenant ! Nos cartouches étaient épuisées, et nous ne pouvions plus être que les spectateurs impuissants de cette lutte !

Mais voici que, dans le compartiment voisin du nôtre, un tigre, qui cherchait à briser ses barreaux, parvint, en donnant une secousse violente, à rompre l’équilibre de la cage. Elle oscilla un instant et se renversa presque aussitôt.

Contusionnés légèrement dans la chute, nous nous étions relevés sur les genoux. Les parois avaient résisté, mais nous ne pouvions plus rien voir de ce qui se passait au dehors.

Si l’on ne voyait pas, on entendait, du moins ! Quel sabbat de hurlements dans l’enceinte du kraal ! Quelle odeur de sang imprégnait l’atmosphère ! Il semblait que la lutte eût pris un caractère plus violent. Que s’était-il donc passé ? Les prisonniers des autres cages s’étaient-ils échappés ? Attaquaient-ils la case de Mathias Van Guitt ? Tigres et panthères s’élançaient-ils sur les arbres pour en arracher les Indous ?

« Et ne pouvoir sortir de cette boîte ! » s’écriait le capitaine Hod, en proie à une rage véritable.

Un quart d’heure environ, — un quart d’heure dont nous comptions les interminables minutes ! — s’écoula dans ces conditions.

Puis, le bruit de la lutte diminua peu à peu. Les hurlements s’affaiblirent. Les bonds des tigres, qui occupaient les compartiments de notre cage, devinrent plus rares. Le massacre avait-il donc pris fin ?