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la maison à vapeur.

bien, l’excellent pachyderme levait sa patte toutes les fois qu’il passait au-dessus de la pierre, et ni ordres ni coups ne l’auraient déterminé à la poser sur l’insecte ! Bien au contraire, si on lui commandait de l’apporter, il le prenait délicatement avec cette sorte de main merveilleuse qu’il a au bout de sa trompe, et il lui donnait la liberté ! Direz-vous, maintenant, Banks, que l’éléphant n’est pas bon, généreux, supérieur à tous les autres animaux, même au singe, même au chien, et ne faut-il pas reconnaître que les Indous ont raison, lorsqu’ils lui accordent presque autant d’intelligence qu’à l’homme ! »

Et le capitaine Hod, pour terminer sa tirade, ne trouva rien de mieux que d’ôter son chapeau pour saluer le redoutable troupeau, qui nous suivait à pas comptés.

« Bien parlé, capitaine Hod ! répondit le colonel Munro en souriant. Les éléphants ont en vous un chaud défenseur !

— Mais n’ai-je pas absolument raison, mon colonel ? demanda le capitaine Hod.

— Il est possible que le capitaine Hod ait raison, répondit Banks, mais je crois que j’aurai raison avec Sanderson, un chasseur d’éléphants, passé maître en tout ce qui les concerne.

— Et que dit-il donc, votre Sanderson ? s’écria le capitaine d’un ton assez dédaigneux.

— Il prétend que l’éléphant n’a qu’une moyenne d’intelligence très ordinaire, que les actes les plus étonnants qu’on voie ces animaux accomplir ne résultent que d’une obéissance assez servile aux ordres que leur donnent plus ou moins secrètement leurs cornacs !

— Par exemple ! riposta le capitaine Hod, qui s’échauffait.

— Aussi remarque-t-il, reprit Banks, que les Indous n’ont jamais choisi l’éléphant comme un symbole d’intelligence, pour leurs sculptures ou leurs dessins sacrés, et qu’ils ont accordé la préférence au renard, au corbeau et au singe !

— Je proteste ! s’écria le capitaine Hod, dont le bras, en gesticulant, prenait le mouvement ondulatoire d’une trompe.

— Protestez, mon capitaine, mais écoutez ! reprit Banks. Sanderson ajoute que ce qui distingue plus particulièrement l’éléphant, c’est qu’il a au plus haut degré la bosse de l’obéissance, et cela doit faire une jolie protubérance sur son crâne ! Il observe aussi que l’éléphant se laisse prendre à des pièges enfantins, — c’est le mot, — tels que les fosses recouvertes de bran-