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Page:Verne - La Maison à vapeur, Hetzel, 1902.djvu/345

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cent contre un

Soupçonnaient-ils qu’il y eût en lui une merveilleuse puissance ? La veille, ils n’avaient point eu l’occasion de le voir à l’œuvre, puisque leurs premiers rangs s’étaient toujours tenus à une certaine distance sur l’arrière du train.

Mais que feraient-ils, quand ils l’entendraient hennir, lorsque sa trompe lancerait des torrents de vapeur, quand ils le verraient lever et abaisser ses larges pattes articulées, se mettre en marche, traîner les deux chars roulants à sa suite ?

Le colonel Munro, le capitaine Hod, Kâlagani et moi, nous avions pris place à l’avant du train. Le sergent Mac Neil et ses compagnons se tenaient à l’arrière.

Kâlouth était devant le foyer de sa chaudière, qu’il continuait à charger de combustible, bien que la pression de la vapeur eût déjà atteint cinq atmosphères.

Banks, dans la tourelle, près de Storr, appuyait sa main sur le régulateur.

Le moment de partir était venu. Sur un signe de Banks, le mécanicien pressa le levier du timbre, et un violent coup de sifflet se fit entendre.

Les éléphants dressèrent l’oreille ; puis, reculant un peu, ils laissèrent la route libre sur un espace de quelques pas.

Le fluide fut introduit dans les cylindres, un jet de vapeur jaillit de la trompe, les roues de la machine, mises en mouvement, actionnèrent les pattes du Géant d’Acier, et le train s’ébranla tout d’une pièce.

Aucun de mes compagnons ne me contredira, si j’affirme qu’il y eut tout d’abord un vif mouvement de surprise chez les animaux qui se pressaient aux premiers rangs. Entre eux s’ouvrit un plus large passage, et la route parut être assez dégagée pour permettre d’imprimer à Steam-House une vitesse qui eût égalé celle d’un cheval au petit trot.

Mais, aussitôt, toute la « masse proboscidienne », — une expression du capitaine Hod, — de se mouvoir en avant, en arrière. Les premiers groupes prirent la tête du cortège, les derniers suivirent le train. Tous paraissaient bien décidés à ne point l’abandonner.

En même temps, sur les côtés de la route, plus large en cet endroit, d’autres éléphants nous accompagnèrent, comme des cavaliers aux portières d’un carrosse. Mâles et femelles étaient mélangés. Il y en avait de toutes tailles, de tout âge, des adultes de vingt-cinq ans, des « hommes faits » de soixante, de vieux pachydermes plus que centenaires, des bébés près de leurs mères, qui,