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la maison à vapeur.

Il ne fallait pas s’arrêter, ou c’en était fait du train, mais il fallait se défendre. Plus d’hésitation possible. Fusils et carabines furent braqués sur les assaillants.

« Que pas un coup ne soit perdu ! cria le capitaine Hod. Mes amis, visez-les à la naissance de la trompe, ou dans le creux qui est au-dessous de l’œil. C’est souverain ! »

Le capitaine Hod fut obéi. Plusieurs détonations éclatèrent, qui furent suivies de hurlements de douleur.

Trois ou quatre éléphants, touchés au bon endroit, étaient tombés, en arrière et latéralement, — circonstance heureuse, puisque leurs cadavres n’obstruaient pas la route. Les premiers groupes s’étaient un peu reculés, et le train put continuer sa marche.

« Rechargez et attendez ! » cria le capitaine Hod.

Si ce qu’il commandait d’attendre était l’attaque du troupeau tout entier, ce ne fut pas long. Elle se fit avec une violence telle, que nous nous crûmes perdus.

Un concert de furieux et rauques hurlements éclata soudain. On eût dit de ces éléphants de combat que les Indous, par un traitement particulier, amènent à cette surexcitation de la rage nommée « musth ». Rien n’est plus terrible, et les plus audacieux « éléphantadors », élevés dans le Guicowar pour lutter contre ces redoutables animaux, auraient certainement reculé devant les assaillants de Steam-House.

« En avant ! criait Banks.

– Feu ! » criait Hod.

Et, aux hennissements plus précipités de la machine, se joignaient les détonations des armes. Or, dans cette masse confuse, il devenait difficile de viser juste, ainsi que l’avait recommandé le capitaine. Chaque balle trouvait bien un morceau de chair à trouer, mais elle ne frappait pas mortellement. Aussi, les éléphants, blessés, redoublaient-ils de fureur, et, à nos coups de fusil, ils répondaient par des coups de défenses, qui éventraient les parois de Steam-House.

Cependant, aux détonations des carabines, déchargées à l’avant et à l’arrière du train, à l’éclatement des balles explosibles dans le corps des animaux, se joignaient les sifflements de la vapeur, surchauffée par le tirage artificiel. La pression montait toujours. Le Géant d’Acier entrait dans le tas, le divisait, le repoussait. En même temps, sa trompe mobile, se levant et s’abattant comme