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face à face

tiens ont fait un si terrible usage pendant la guerre de 1857 ! C’est lui qui a donné l’ordre d’attacher vivants, à la bouche de ses canons, des Indous, nos parents, nos frères… »

Nouveaux cris, nouvelles démonstrations, que Nana Sahib n’aurait pu réprimer cette fois. Aussi :

« Représailles pour représailles ! ajouta-t-il. Munro, tu périras comme tant des nôtres ont péri ! »

Puis, se retournant :

« Vois ce canon ! »

Et le nabab montrait l’énorme pièce, longue de plus de cinq mètres, qui occupait le centre de l’esplanade.

« Tu vas être attaché, dit-il, à la bouche de ce canon ! Il est chargé, et demain, au lever du soleil, sa détonation, se prolongeant jusqu’aux fonds de Vindhyas, apprendra à tous que la vengeance de Nana Sahib est enfin accomplie ! »

Le colonel Munro regardait fixement le nabab avec un calme que l’annonce de son prochain supplice ne pouvait troubler.

« C’est bien, dit-il, tu fais ce que j’aurais fait, si tu étais tombé entre mes mains ! »

Et, de lui-même, le colonel Munro alla se placer devant la bouche du canon, à laquelle, les mains liées derrière le dos, il fut attaché par de fortes cordes.

Et alors, pendant une longue heure, toute cette bande de Dacoits et d’Indous vint l’insulter lâchement. On eût dit des Sioux de l’Amérique du Nord autour d’un prisonnier enchaîné au poteau du supplice.

Le colonel Munro demeura impassible devant l’outrage, comme il voulait l’être devant la mort. Puis, la nuit venue, Nana Sahib, Kâlagani et Nassim se retirèrent dans la vieille caserne. Toute la bande, lasse enfin, quitta la place et rejoignit ses chefs. Sir Edward Munro resta en présence de la mort et de Dieu.