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la maison à vapeur.

Mais, soudain, l’image de lady Munro repassant plus vivement devant ses yeux, le colonel eut comme un afflux de sang de son cœur à sa tête. Il s’élança sur le meurtrier des prisonniers de Cawnpore !…

Nana Sahib se contenta de faire deux pas en arrière.

Trois Indous s’étaient subitement jetés sur le colonel, et ils le maîtrisèrent, non sans peine.

Cependant, sir Edward Munro avait repris possession de lui-même. Le nabab le comprit sans doute, car, d’un geste, il écarta les Indous.

Les deux ennemis se retrouvèrent de nouveau face à face.

« Munro, dit Nana Sahib, les tiens ont attaché à la bouche de leurs canons les cent vingt prisonniers de Peschawar, et, depuis ce jour, plus de douze cents Cipayes ont péri de cette épouvantable mort ! Les tiens ont massacré sans pitié les fugitifs de Lahore, ils ont égorgé, après la prise de Delhi, trois princes et vingt-neuf membres de la famille du roi, ils ont massacré à Lucknow six mille des nôtres, et trois mille après la campagne du Pendjab ! En tout, par le canon, le fusil, la potence ou le sabre, cent vingt mille officiers ou soldats natifs et deux cent mille indigènes ont payé de leur vie ce soulèvement pour l’indépendance nationale !

– À mort ! à mort ! » s’écrièrent les Dacoits et les Indous rangés autour de Nana Sahib.

Le nabab leur imposa silence de la main, et attendit que le colonel Munro voulût lui répondre. Le colonel ne répondit pas.

« Quant à toi, Munro, reprit le nabab, tu as tué de ta main la Rani de Jansi, ma fidèle compagne… et elle n’est pas encore vengée ! »

Pas de réponse du colonel Munro.

« Enfin, il y a quatre mois, dit Nana Sahib, mon frère Balao Rao est tombé sous les balles anglaises dirigées contre moi… et mon frère n’est pas encore vengé !

– À mort ! À mort ! »

Ces cris éclatèrent avec plus de violence, cette fois, et toute la bande fit un mouvement pour se ruer sur le prisonnier.

« Silence ! s’écria Nana Sahib. Attendez l’heure de la justice ! »

Tous se turent.

« Munro, reprit le nabab, c’est un de tes ancêtres, c’est Hector Munro, qui a osé appliquer pour la première fois cet épouvantable supplice, dont les