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au fond des caves d’ellora.

massif, et ce sont ces vides qui sont devenus des « chaityas » ou des « viharas » suivant leur destination.

Le plus extraordinaire de ces temples est celui des Kaïlas. Que l’on se figure un bloc haut de cent vingt pieds, sur six cents pieds de circonférence. Ce bloc, avec une incroyable audace, on l’a découpé dans la montagne même, on l’a isolé au milieu d’une cour longue de trois cent soixante pieds et large de cent quatre-vingt-six, — une cour que l’outil a conquise aux dépens de la carrière basaltique. Puis, ce bloc ainsi dégagé, les architectes l’ont taillé, comme un statuaire fait d’un morceau d’ivoire. À l’extérieur, ils ont évidé des colonnes, menuisé des pyramidions, arrondi des coupoles, épargné ce qu’il fallait de roc pour obtenir la saillie des bas-reliefs, dans lesquels des éléphants plus grands que nature semblent supporter l’édifice tout entier ; à l’intérieur, ils ont réservé une vaste salle, entourée de chapelles, et dont la voûte repose sur des colonnes détachées de la masse totale. Enfin, de ce monolithe, ils ont fait un temple, qui n’a pas été « bâti », dans le vrai sens du mot, mais un temple unique au monde, digne de rivaliser avec les édifices les plus merveilleux de l’Inde, et qui ne peut même perdre à être comparé aux hypogées de l’ancienne Égypte.

Ce temple, presque abandonné maintenant, a déjà été touché par le temps. Il se détériore en quelques parties. Ses bas-reliefs s’altèrent comme les parois du massif dont on l’a tiré. Il n’a encore que mille ans d’existence. Mais, ce qui n’est que le premier âge pour les œuvres de la nature est déjà la caducité pour les œuvres humaines. Quelques profondes crevasses s’étaient faites au soubassement latéral de gauche, et c’est par une de ces ouvertures, que cachait à demi la croupe de l’un des éléphants de support, que Nana Sahib se glissa, sans que personne eût pu soupçonner son arrivée à Ellora.

La crevasse s’ouvrait intérieurement sur un sombre boyau, qui courait à travers le soubassement, en s’enfonçant sous la « cella » du temple. Là s’évidait une sorte de crypte ou plutôt une citerne, sèche alors, qui servait de réceptacle aux eaux pluviales.

Dès que le Nana eut pénétré dans le boyau, il fit entendre un certain sifflement, auquel répondit un sifflement identique. Ce n’était point un jeu d’écho. Une lumière brilla dans l’obscurité.

Aussitôt, un Indou se montra, tenant une petite lanterne à la main.

« Pas de lumière ! dit le Nana.