Il se tint debout devant le bureau, et l’interrogatoire se poursuivit entre le président Roth et lui dans les termes suivants, tandis que le secrétaire Choczim notait demandes et réponses.
« Votre nom ?…
— Ilia Krusch.
— Votre nationalité ?…
— Hongroise.
— Votre lieu de naissance ?…
— Racz sur la Theiss.
— Votre lieu d’habitation ?…
— Racz.
— Votre âge ?…
— Cinquante-deux ans…
— Votre profession ?…
— J’ai été pendant une vingtaine d’années pilote sur le Danube.
— Et maintenant ?…
— Maintenant, je suis à la retraite, et ne serais jamais sorti de Racz, sans doute, si l’idée ne m’était pas venue d’aller prendre part au concours de la Ligne Danubienne…
— Où vous avez remporté un double prix ?…
— Oui, monsieur le président, le prix du nombre avec soixante-dix-neuf poissons, et le prix du poids avec un brochet de dix-sept livres. »
Ilia Krusch s’était peu à peu remonté en parlant, et d’ailleurs, à des demandes aussi précises, il avait pu répondre par des réponses non moins précises. Jusqu’alors, son attitude lui avait été plutôt favorable, et dût-on lui reprocher le plus grave des méfaits, il faut avouer qu’il n’avait point l’air d’un malfaiteur.
Au surplus, il ne savait pas encore pourquoi il avait été arrêté en arrivant à Pest, et pour quel motif il comparaissait devant la Commission internationale.
« Ainsi, reprit le président, c’est uniquement dans le but de concourir que vous avez quitté Racz pour vous rendre à Sigmaringen.
— Uniquement dans ce but, répondit Ilia Krusch, et cela m’a valu de gagner deux primes d’une valeur de deux cents florins.
— En effet, répondit le président, mais d’un ton qui parut quelque peu ironique. Mais, après ce succès, il semble que vous n’auriez plus eu qu’à retourner tranquillement à Racz pour y jouir de votre triomphe !…
— Et c’est ce que j’ai fait, monsieur le président… répondit Ilia Krusch qui ne cacha point la surprise que lui causait cette observation.