Page:Verne - Le Beau Danube Jaune.djvu/145

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

À neuf heures, tous deux avaient regagné la barge, et le lendemain, ils descendaient avec une certaine rapidité le long de la côte bulgare.

Le pays se ressentait déjà du voisinage de la Mer Noire. Si le Danube eût coulé directement vers l’est, il en eût rencontré le littoral à une quarantaine de lieues de Roustchouk. Mais, après avoir suivi le quarante-quatrième parallèle jusqu’à la hauteur de la bourgade de Tchernavoda, le fleuve se redresse brusquement vers le nord, en limitant la Moldavie. C’est à Galatz qu’il reprend la direction de l’est jusqu’à son embouchure.

La navigation ne laisse donc pas d’être parfois pénible, dangereuse même sur cette partie du fleuve, tout au moins pour les chalands. Cependant, de tous ceux qui avaient descendus depuis Vienne en même temps que la barge, on en comptait trois encore. Devaient-ils s’arrêter en Silistrie, le point le plus important avant la frontière moldave ?… Dans tous les cas, ils suivaient la rive bulgare et d’aussi près que possible, afin d’y trouver prompt refuge en cas de mauvais temps.

L’état du ciel était peu rassurant. De grands nuages échevelés, traînant d’énormes lambeaux de brume à la surface du fleuve, chassaient de l’est, tout chargés de l’humidité de la mer voisine.

Ilia Krusch regardait le ciel d’un air assez inquiet. Non point qu’il eût des craintes pour sa frêle embarcation, il lui trouverait toujours un abri sous les berges. Mais la navigation pouvait être retardée, et qui sait s’il n’emploierait pas plus de temps à franchir ces derniers six cents kilomètres que les deux mille franchis depuis Sigmaringen !

Cependant, pendant cette journée du 9, il ne fut point contraint de relâcher, il ne le fit qu’à l’heure où le soleil disparaissait sous l’horizon de l’ouest.

La nuit s’écoula sans incidents. Le vent mollit pendant plusieurs heures alors que la pluie tombait à torrents. Il y eut lieu, à plusieurs reprises, de vider l’eau amassée dans la barge. Mais le vent reprit avec la même violence et, au lever du jour, il fut constant que les conditions atmosphériques ne subiraient aucune modification.

Ilia Krusch dut renoncer à pêcher ce matin-là, tant les eaux étaient troublées, et il n’aurait pu maintenir sa ligne en bonne position.

Au moment où il levait le grappin, les trois chalands qui avaient relâché près de la rive, étaient déjà en marche, en se dirigeant vers l’autre rive, où, sans doute, la navigation serait plus facile, le vent ayant un peu remonté vers le nord-est.

M. Jaeger, remarquant cette manœuvre, que son compagnon approuvait d’ailleurs, demanda si la barge ne pourrait pas traverser le fleuve, afin de suivre les trois bateaux.

146