Page:Verne - Le Beau Danube Jaune.djvu/31

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Mais il ne mène à rien de discuter ou de se disputer dans la même langue. Encore faut-il que l’accord s’établisse entre les idées.

Or, précisément, dans cette séance, et sans que les petits États voulussent se reconnaître inférieurs aux grands, un violent débat allait les mettre tous aux prises à propos de l’élection du président et du secrétaire. En cette circonstance, Bade, la Serbie, le Wurtemberg, la Moldavie, la Bulgarie, la Bessarabie émettaient leurs prétentions que ne pouvaient accepter ni la Bavière, ni la Hongrie, ni l’Autriche. Et, cependant, les sympathies ou antipathies de race n’avaient que faire dans la question soumise à ces commissaires. Chacun avait été désigné par le gouvernement de son pays, et représentait un empereur, un roi, un grand-duc, un voïvode, un hospodar. En réalité, tous devaient avoir des droits égaux, ils entendaient les faire valoir, et précisément en ce qui concernait la nomination du président de la Commission internationale.

Or, il arriva en cette occasion ce qui arrive le plus souvent lorsque chacun s’entête à ne rien céder de ses prétentions. Assurément, des divers États qui comptaient des représentants dans la Commission, le plus important par son rang en Europe, par sa population, par son histoire, c’était le Royaume d’Autriche-Hongrie, et on comptait que la présidence serait dévolue soit à M. Zwiedinek, soit à M. Hanish.

Il n’en fut rien, et à qui revint le plus grand nombre de voix ?… À M. Roth, le représentant du duché de Bade.

Il fallut bien en passer par là, et, lorsque M. Roth eut pris place au bureau, la nomination du secrétaire, M. Choczim de la Bessarabie, ne présenta plus aucun intérêt.

La discussion commença donc, et, au contraire de ce que l’on pouvait craindre après les débats relatifs à la présidence, elle n’allait donner lieu à aucun incident de quelque gravité.

Voici d’ailleurs ce dont il s’agissait, et dans quel but avait été réunie au Palais des Douanes de Vienne cette Commission internationale.

Depuis quelque temps, les divers États traversés par le Danube avaient la pensée, justifiée d’ailleurs, que la contrebande se faisait sur une large échelle entre les sources et les embouchures du fleuve. Il semblait qu’il existât une association de fraudeurs, parfaitement organisée, qui fonctionnait à l’extrême préjudice des intéressés, et les pertes du fisc montaient déjà à un chiffre considérable.

Les marchandises passées frauduleusement étaient de haut prix, des étoffes de grand luxe, des vins de grands crus, des objets manufacturés de grande valeur, et aussi des produits d’alimentation, conserves et autres, ainsi soustraits aux droits de douane.

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