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D’où venaient ces marchandises, où étaient-elles apportées ? les plus sérieuses recherches n’avaient pu le faire découvrir, et jamais agent de police ou de douane n’avait pu trouver la piste des fraudeurs.

Il n’était pas d’ailleurs probable que la contrebande s’effectuât par terre, et tout donnait à penser qu’elle prenait la voie du fleuve.

Et, cependant, la navigation était surveillée avec soin pour ne pas dire avec une sévérité extrême qui provoquait de toutes parts les plus vives récriminations. La batellerie du Danube était l’objet de vexations quotidiennes, bateaux arrêtés, bateaux retenus, bateaux visités, bateaux déchargés même, lorsqu’ils donnaient prise à une suspicion particulière, ennuis de toutes sortes, et enfin dommages importants causés au commerce et à l’industrie des transports.

Or, en dépit des investigations, de l’intervention constante des divers agents, rien n’avait été découvert. Ce qui paraissait certain, c’est que ces diverses marchandises, sans avoir acquitté aucun droit, arrivaient aux embouchures du fleuve où les attendaient des navires sous vapeur, qui les débarquaient sur divers points du littoral de la Mer Noire, d’où on les expédiait vers l’intérieur.

Il ne semblait pas non plus qu’il y eût doute sur ceci : c’est que cette fraude se faisait depuis plusieurs années déjà, et on était fondé à se demander si elle n’avait pas servi au transport des munitions et des armes, lorsque quelque guerre éclatait dans les provinces riveraines de la Mer Noire.

Quoi qu’il en soit, les gouvernements ignoraient jusqu’alors sur quelles bases était fondée cette association de fraudeurs, quel matériel elle employait, si les associés étaient nombreux, s’ils étaient uniquement recrutés parmi les nationaux de l’Europe Centrale. Aucun de ces malfaiteurs n’avait pu être pris en flagrant délit. Aussi, la douane et la police, reconnaissant leur impuissance, demandaient-elles qu’une surveillance plus sévère que jamais, surveillance de jour et de nuit, fût établie sur tout le parcours du Danube.

C’est donc en vue de prendre des mesures plus efficaces, plus rigoureuses qu’avait été nommée cette Commission internationale, et, pour la première fois, elle venait d’être appelée à délibérer sur ces graves et difficiles questions.

Le président Roth, lorsqu’il eut pris place au bureau, fit un historique de la situation : il dit tout ce qui avait été tenté jusqu’alors sans résultat. Les renseignements recueillis de part et d’autre, il les communiqua à ses collègues. À son avis, les divers États avaient été fraudés dans une proportion énorme. Où s’étaient accumulés les bénéfices des fraudeurs,

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