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Le nom de Karl Dragoch fut donc accueilli avec satisfaction, et même le Valaque Kassilick et le Moldave Titcha, qui n’avaient point voté pour lui, déclarèrent qu’ils s’y ralliaient volontiers.

C’était, on peut le dire, l’unanimité dans le scrutin.

Du reste, ce choix était amplement justifié par les précédents de Karl Dragoch[1] et les services qu’il avait rendus en maintes circonstances où il agissait comme chef de la police hongroise.

Karl Dragoch, alors âgé de quarante-cinq ans, demeurait à Pest. C’était un homme de complexion plutôt moyenne, assez maigre, doué de plus de force morale que de force physique, de bonne santé cependant, et très résistant aux fatigues professionnelles de son état, ainsi qu’il l’avait prouvé au cours de sa carrière, très brave en outre devant les dangers de toutes sortes qu’elle entraînait. S’il demeurait à Pest, c’est que les bureaux de son administration étaient établis dans cette ville. Mais, le plus souvent, il était en campagne, occupé à quelque mission difficile ou délicate. Au surplus, en sa qualité de célibataire, il n’avait pas les soucis de famille, et rien ne venait entraver la liberté de ses mouvements. Il passait pour un agent aussi intelligent que zélé, très sûr, très actif, avec le flair spécial qui convient à ce métier.

On ne s’étonnera donc pas que le choix des commissaires se fût porté sur lui, après que son compatriote Hanish eut fait connaître son mérite et vanté ses qualités.

« Mes chers collègues, dit alors le président Roth, nos suffrages ne pouvaient se réunir sur un nom plus recommandable, et la Commission n’aura point à se reprocher d’avoir choisi Karl Dragoch pour chef du personnel qui doit opérer dans cette grave affaire. »

Il fut décidé que Karl Dragoch, qui se trouvait en ce moment à Pest, serait mandé à Vienne en toute hâte, avant que la Commission ne vînt à se séparer, afin de prendre contact avec ses membres. Cette affaire de contrebande, il devait la connaître déjà. On le mettrait au courant de ce qu’il pouvait ignorer encore. Il donnerait son avis sur la manière d’opérer, et se mettrait aussitôt en campagne.

Il allait de soi que le secret serait absolument gardé sur le choix que venait de faire la Commission. Le public devait ignorer que Karl Dragoch eût la direction de cette affaire. Il importait, en effet, que l’association des fraudeurs n’eût pas l’éveil, et ne pût se défier du chef de la police.

  1. Subsiste ici le premier nom de Karl Dragoch, « Dragonof », dont la correction est parfois oubliée dans ce chapitre (NDLR)
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