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DE PASSAU À LINTZ

Il est bien évident qu’une ville située sur la rive droite du Danube, au confluent de deux rivières non des moindres, qui lui apportent leurs tributs, l’Ils, alimentée par les montagnes de la Bohème, l’Inn, emplie par les montagnes du Tyrol, ne doit pas manquer de poisson d’eau douce. Si jamais la Société de la Ligne Danubienne cherche un vaste réseau hydrographique pour réunir en un concours plusieurs milliers de pêcheurs, son président M. Miclesco n’aura qu’à désigner la Batava castra des Anciens. Si les mandements des évêques de Passau, auxquels appartient encore le titre d’archevêque de Lorch, prêchent l’observation du maigre chaque vendredi ou veille de grandes fêtes carillonnées, les fidèles seraient impardonnables de ne point se conformer aux commandements de l’Église — ceux qui sont catholiques, s’entend. Donc, que le marché au poisson soit toujours largement approvisionné de brochets, de carpes, de barbeaux, de goujons, de brèmes, de chevesnes, cela ne saurait étonner. Il n’attend pas après les arrivages du dehors, et trouve dans les trois cours d’eau plus qu’il ne faut pour satisfaire aux besoins des amateurs.

Il est donc probable que si Ilia Krusch était venu offrir son poisson aux ménagères de Passau, sans que son incognito eût été trahi, eût-il parcouru les divers quartiers de la ville, se fût-il même résigné à monter les deux cent quarante marches de l’escalier de la Mariahilf, bâtie sur sa haute colline, pour vendre sa marchandise aux nombreux pèlerins qui récitent une oraison par chaque degré, il n’aurait pas pu, même à vil prix, se faire acheter même une ablette.

Mais l’arrivée d’Ilia Krusch à Passau était connue, et ce serait tout profit pour lui — ou plutôt pour M. Jaeger — au point de vue de la vente.

Au surplus, Ilia Krusch et son compagnon avaient décidé qu’ils passeraient la journée à Passau, ce n’est pas que M. Jaeger eût l’intention

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