Page:Verne - Le Château des Carpathes.djvu/26

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

— Un florin et demi[1], » répondit le colporteur.

Et il aurait cédé sa lunette même au prix d’un florin, pour peu que Frik eût manifesté l’intention de la marchander. Mais le berger ne broncha pas. Visiblement sous l’empire d’une stupéfaction aussi brusque qu’inexplicable, il plongea la main au fond de son bissac, et en retira l’argent.

« C’est pour votre compte que vous achetez cette lunette ? demanda le colporteur.

— Non… pour mon maître, le juge Koltz.

— Alors il vous remboursera…

— Oui… les deux florins qu’elle me coûte…

— Comment… les deux florins ?…

— Eh ! sans doute !… Là-dessus, bonsoir, l’ami.

— Bonsoir, pasteur. »

Et Frik, sifflant ses chiens, poussant son troupeau, remonta rapidement dans la direction de Werst.

Le juif, le regardant s’en aller, hocha la tête, comme s’il avait eu à faire à quelque fou :

« Si j’avais su, murmura-t-il, je la lui aurais vendue plus cher, ma lunette ! »

Puis, quand il eut rajusté son étalage à sa ceinture et sur ses épaules, il prit la direction de Karlsburg, en redescendant la rive droite de la Sil.

Où allait-il ? Peu importe. Il ne fait que passer dans ce récit. On ne le reverra plus.

  1. Environ 3 fr. 60.