Ces veilles ne sont plus bonnes à un homme de son âge. D’ailleurs, j’y suffirais seul. Enveloppé dans ma chaude roulière, avec la ramure des arbres sur ma tête, je ne serais pas à plaindre. J’en avais vu bien d’autres là-bas, dans les prairies d’Amérique, où l’hiver est plus rude qu’en aucun autre climat, et je ne m’inquiétais guère d’une nuit à la belle étoile !
Enfin, tout alla à souhait. Notre tranquillité ne fut aucunement troublée. En somme, la berline valait n’importe quelle chambre des auberges de la contrée. Avec les portières bien closes, il n’y faisait point humide. Avec les manteaux de voyage, il n’y faisait point froid. Et, n’étaient les inquiétudes sur le sort des absents, on y eût parfaitement dormi.
Au petit jour, vers quatre heures, M. de Lauranay quitta la berline et vint me proposer de veiller à ma place, afin que je pusse reposer une heure ou deux. Craignant de le désobliger si je refusais encore, j’acceptai, et, les poings sur les yeux, la tête dans ma roulière, je fis un bon somme.
À six heures et demie, nous étions tous sur pied.
« Vous devez être fatigué, monsieur Natalis ? me demanda Mlle Marthe.
— Moi ! répondis-je. J’ai dormi comme un loir, tandis que votre grand-père veillait ! En voilà un excellent homme !
— Natalis exagère un peu, répondit M. de Lauranay en souriant, et, la nuit prochaine, il me permettra…
— Je ne vous permettrai rien, monsieur de Lauranay, répliquai-je gaiement. Il ferait beau voir le maître veiller jusqu’au jour, tandis que le domestique…
— Domestique ! fit Mlle Marthe.
— Oui ! domestique… cocher !… Voyons !… Est-ce que je ne suis pas cocher, et un adroit cocher, je m’en flatte ! Mettons postillon, si vous voulez, pour ménager mon amour-propre. Ce n’est pas moins être votre serviteur…
— Non… notre ami, répondit Mlle Marthe, en me tendant la main,