Page:Verne - Le Chemin de France, Hetzel, 1887.djvu/57

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M. Jean ne savait que répondre. Sa raison se raidissait contre son cœur.

« Mademoiselle, dis-je, je serais vraiment trop heureux…

— Mon cher Jean, reprit-elle, en allant à lui, ne procurerons-nous pas ce bonheur à monsieur Natalis Delpierre ?

— Oui… chère Marthe !… » répondit M. Jean, qui ne put dire autre chose, mais cela me parut suffisant.

Et, au moment où nous allions nous retirer tous trois, car il se faisait tard :

« Ma fille ! dit Mme Keller, en l’embrassant avec une émotion profonde, tu seras heureuse !… Il est digne de toi !

— Je le sais, puisqu’il est votre fils ! » répondit Mlle Marthe.

Nous rentrâmes à la maison. Irma nous attendait. Mme Keller lui dit qu’il n’y avait plus qu’à fixer le jour du mariage.

Puis, on alla se coucher. Et si jamais je passai une nuit excellente, malgré les voyelles de l’alphabet qui sautillaient dans mes rêves, ce fut bien celle-ci, pendant laquelle je dormis tout d’une traite, dans la maison de Mme Keller.


VII

Le lendemain, je ne me réveillai que fort tard. Il devait être au moins sept heures. Je me hâtai de m’habiller pour aller « faire mon devoir », toutes mes voyelles à repasser, en attendant les consonnes.

Comme j’arrivais aux dernières marches de l’escalier, je rencontrai ma sœur Irma qui montait.

« J’allais te réveiller, me dit-elle.

— Oui, j’ai fait la grasse matinée et je suis en retard !