Page:Verne - Le Chemin de France, Hetzel, 1887.djvu/58

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— Non, Natalis, il n’est que sept heures. Mais il y a quelqu’un qui te demande.

— Quelqu’un ?

— Oui… un agent. »

Un agent ? Diable ! je n’aime guère ces visiteurs là ! Qu’est-ce que l’on pouvait bien me vouloir ? Ma sœur ne semblait pas trop rassurée.

Presque aussitôt M. Jean parut.

« C’est un agent de la police, me dit-il. Faites bien attention, Natalis, à ne rien dire qui puisse vous compromettre.

— Ce serait bien tombé qu’il sache que je suis soldat ! répondis-je.

— Ce n’est pas probable !… Vous êtes venu à Belzingen voir votre sœur, et pas autre chose ! »

C’était la vérité, d’ailleurs, et je me promis bien de me tenir sur une extrême réserve.

J’arrivai au seuil de la porte. Là j’aperçus l’agent, un vilain masque à coup sûr, tout de travers, tout déjeté, les jambes en pied de banc, une figure d’ivrogne avec le gosier en pente, comme on dit.

M. Jean lui demanda en allemand ce qu’il voulait.

« Vous avez ici un voyageur arrivé d’hier à Belzingen ?

— Oui. Après ?

— Le directeur de police lui fait donner ordre de passer à son bureau.

— C’est bien. Il ira. »

M. Jean me traduisit ce bout de conversation. Ce n’était pas même une invitation, c’était un ordre que je recevais. Il fallait donc y obtempérer.

Les pieds de banc étaient partis. J’aimais mieux cela. Il ne m’allait guère de traverser les rues de Belzingen avec cet affreux happe-chair. On m’indiquerait où restait le directeur de police, et je saurais bien trouver sa maison.

« Quel individu est-ce ? demandai-je à M. Jean.

— Un homme qui ne manque pas d’une certaine finesse. Vous