Page:Verne - Le Chemin de France, Hetzel, 1887.djvu/68

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et de Bohême. Cela fut décidé, et l’on résolut de l’attaquer tout d’abord dans ses possessions de Belgique.

Aussi Biron ne tarda-t-il pas à s’emparer de Quiévrain, et l’on pouvait espérer déjà que rien n’arrêterait l’élan des troupes françaises, lorsque, devant Mons, une panique vint modifier la situation. Les soldats, après avoir crié à la trahison, massacrèrent les officiers Dillon et Berthois.

En apprenant ce désastre, Lafayette crut devoir arrêter sa marche à Givet.

Ceci se passait dans les derniers jours d’avril, avant que j’eusse quitté Charleville. À ce moment, on le voit, l’Allemagne n’était pas encore en guerre avec la France.

Le 13 juin, Dumouriez fut nommé ministre de la guerre. Cela, nous l’apprîmes à Belzingen, avant que M. Jean fût revenu de Berlin. Cette nouvelle avait une extrême gravité. Il était facile de prévoir que les événements allaient changer de face et la situation se dessiner plus nettement. En effet, si la Prusse avait gardé jusqu’alors une neutralité absolue, il était à craindre qu’elle ne se préparât à la rompre d’un instant à l’autre. On parlait déjà de quatre-vingt mille hommes qui s’avançaient vers Coblentz.

En même temps, le bruit se répandait à Belzingen que le commandement de ces vieux soldats de Frédéric-le-Grand serait donné à un général qui jouissait d’une certaine célébrité en Allemagne, au duc de Brunswick.

On comprend l’effet de cette nouvelle même avant qu’elle fût confirmée. D’ailleurs, il se faisait incessamment des passages de troupes.

J’aurais donné beaucoup pour voir le régiment de Leib, le colonel von Grawert et son fils Frantz partir pour la frontière. Cela nous eût toujours débarrassés de ces personnages. Par malheur, ce régiment ne reçut aucun ordre. Aussi le lieutenant continuait-il à battre le pavé dans les rues de Belzingen, et plus particulièrement devant la maison close de M. de Lauranay.