Page:Verne - Le Chemin de France, Hetzel, 1887.djvu/75

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En effet, un événement allait sans doute décider la Prusse et l’Autriche à presser l’invasion. Il s’agissait de l’attentat qui venait de se commettre à Paris, le 20 juin, et dont le bruit fut répandu, à dessein, par les agents des deux puissances coalisées.

Le 20 juin, les Tuileries avaient été envahies. La populace, conduite par Santerre, après avoir défilé devant l’Assemblée législative, s’était ruée sur le palais de Louis XVI. Portes attaquées à coups de hache, grilles forcées, pièces de canon hissées au premier étage, tout indiquait à quelles violences l’émeute allait se porter. Le calme du roi, son sang-froid, son courage, le sauvèrent ainsi que sa femme, sa sœur et ses deux enfants. Mais à quel prix ? Après qu’il eût consenti à se coiffer du bonnet rouge.

Évidemment, chez les partisans de la cour comme parmi les constitutionnels, cette attaque du palais fut considérée comme un crime. Cependant le roi était resté le roi. On lui rendrait encore certains hommages… Du bouillon pour les morts ! Puis, combien cela durerait-il ? Les plus confiants ne lui auraient pas donné deux mois de règne, après ces menaces, ces insultes ! Et on le sait, ils ne se seraient point trompés, puisque six semaines plus tard, au 10 août, Louis XVI allait être chassé des Tuileries, frappé de déchéance, emprisonné au Temple, dont il ne devait sortir que pour porter sa tête sur la place de la Révolution !

Si l’effet de cet attentat fut grand à Paris, grand dans toute la France, on se figurerait difficilement quel retentissement il eut à l’étranger. À Coblentz éclatèrent des cris de douleur, de haine, de vengeance, et vous ne vous étonnerez pas que l’écho en soit venu jusque dans ce petit coin de la Prusse où nous étions renfermés. Et pour peu que les émigrés se missent en marche, que les Impériaux, comme on les appelait déjà, vinssent les soutenir, ce serait une guerre terrible.

On le pensait bien à Paris. Aussi, des mesures énergiques avaient-elles été prises pour parer à tout événement. L’organisation des fédérés se fit à bref délai. Les patriotes, ayant rendu le roi et la reine