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Page:Verne - Le Docteur Ox.djvu/211

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au mont blanc.


Un passage à la Jonction. — Mont Blanc. (Page 196.)



des torrents au fond du glacier, les craquements sinistres et répétés des blocs qui se détachent et se précipitent en avalanche au fond des crevasses, les tressaillements du sol qui se fend sous vos pieds, et vous aurez alors une idée de ces contrées mornes et désolées dont la vie ne se révèle que par la destruction et la mort.

Après avoir passé la Jonction, on suit pendant quelque temps le glacier de Tacconay, et on arrive à la côte qui conduit aux Grands-Mulets. Cette côte, très-inclinée, se gravit en lacets ; le guide de tête a soin de les tracer sous un angle de trente degrés environ quand il y a de la neige fraîche, pour éviter les avalanches.

Enfin, après trois heures de trajet sur la glace et la neige, nous arrivons aux Grands-Mulets, rochers hauts de 200 mètres, dominant d’un côté le glacier des Bossons, de l’autre les plaines inclinées de névé qui s’étendent jusqu’au pied du dôme du Goûter.

Une petite cabane, construite par les guides vers le sommet du premier rocher, et située à 3,050 mètres d’altitude, donne asile aux voyageurs et leur permet d’attendre à l’abri l’heure du départ pour le sommet du mont Blanc.

On y dîne comme on peut, et on y dort de même ; mais le proverbe : « Qui dort dîne, » n’a aucun sens à cette hauteur, car on n’y peut faire sérieusement ni l’un ni l’autre.

« Eh bien, dis-je à Levesque, après un simulacre de repas, vous ai-je exagéré la splendeur du paysage, et regrettez-vous d’être venu jusqu’ici ?

— Je le regrette si peu, me répondit-il, que je suis bien décidé à aller jusqu’au sommet. Vous pouvez compter sur moi.