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le pays des fourrures.

Le sergent rentra bientôt, et prévint Jasper Hobson que ses ordres étaient exécutés.

Aussitôt, Jasper Hobson et la voyageuse entrèrent dans la grande salle. Tous les habitants de la factorerie, hommes et femmes, s’y trouvaient rassemblés, vaguement éclairés par la lumière des lampes.

Jasper Hobson s’avança au milieu de ses compagnons, et là, d’un ton grave :

« Mes amis, dit-il, jusqu’ici j’avais cru devoir, pour vous épargner des inquiétudes inutiles, vous cacher la situation dans laquelle se trouve notre établissement du fort Espérance… Un tremblement de terre nous a séparés du continent… Ce cap Bathurst a été détaché de la côte américaine… Notre presqu’île n’est plus qu’une île de glace, une île errante… »

En ce moment, Marbre s’avança vers Jasper Hobson, et d’une voix assurée :

« Nous le savions, mon lieutenant ! » dit-il.


CHAPITRE XII.

une chance à tenter.


Ils le savaient, ces braves gens ! Et pour ne point ajouter aux peines de leur chef, ils avaient feint de ne rien savoir, et ils s’étaient adonnés avec la même ardeur aux travaux de l’hivernage !

Des larmes d’attendrissement vinrent aux yeux de Jasper Hobson. Il ne chercha point à cacher son émotion, il prit la main que lui tendait le chasseur Marbre et la serra sympathiquement.

Oui, ces honnêtes soldats, ils savaient tout, car Marbre avait tout deviné et depuis longtemps ! Ce piège à rennes rempli d’eau salée, ce détachement attendu du fort Reliance et qui n’avait pas paru, les observations de latitude et de longitude faites chaque jour et qui eussent été inutiles en terre ferme, et les précautions que le lieutenant Hobson prenait pour n’être point vu en faisant son point, ces animaux qui n’avaient pas fui avant l’hiver, enfin le changement d’orientation survenu pendant les derniers jours, dont ils s’étaient très bien aperçus, tous ces indices réunis avaient fait comprendre la situation aux habitants du fort Espérance. Seule, l’arrivée de Kalumah leur avait semblé inexplicable, et ils avaient dû supposer — ce