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le pays des fourrures.

eux, ceux des animaux, en bien petit nombre, que la mer n’avait pas encore dévorés ! L’ours poussait des rugissements formidables.

L’eau montait toujours. Rien ne prouvait que les naufragés eussent été aperçus. Certainement, un quart d’heure ne se passerait pas avant qu’ils fussent engloutis…

N’y avait-il donc pas un moyen de prolonger la durée de ce glaçon ? Trois heures seulement, trois heures encore, et on atteindrait peut-être cette terre qui n’était pas à trois milles sous le vent ! Mais que faire ? que faire ?

« Ah ! s’écria Jasper Hobson, un moyen, un seul pour empêcher ce glaçon de se dissoudre. Je donnerais ma vie pour le trouver ! Oui ! ma vie ! »

En ce moment, quelqu’un dit d’une voix brève :

« Il y en a un ! »

C’était Thomas Black qui parlait ! C’était l’astronome qui, depuis si longtemps, n’avait plus ouvert la bouche, pour ainsi dire, et qui ne semblait plus compter comme un vivant parmi tous ces êtres voués à la mort ! Et la première parole qu’il prononçait, c’était pour dire : « Oui, il y a un moyen d’empêcher ce glaçon de se dissoudre ! Il y a encore un moyen de nous sauver ! »

Jasper Hobson s’était précipité vers Thomas Black. Ses compagnons et lui interrogeaient l’astronome du regard. Ils croyaient avoir mal entendu.

« Et ce moyen ? demanda le lieutenant Hobson.

— Aux pompes ! » répondit seulement Thomas Black.

Thomas Black était-il fou ? Prenait-il le glaçon pour un navire qui sombre avec dix pieds d’eau dans sa cale ?

Cependant, il y avait bien là, en effet, les pompes d’aération et aussi le réservoir à air qui servait alors de charnier pour l’eau potable ! Mais en quoi ces pompes pouvaient-elles être utiles ? Comment serviraient-elles à durcir les arêtes de ce glaçon qui fondait de toutes parts ?

« Il est fou ! dit le sergent Long.

— Aux pompes ! répéta l’astronome. Remplissez d’air le réservoir !

— Faisons ce qu’il dit ! » s’écria Mrs. Paulina Barnett.

Les pompes furent emmanchées au réservoir, dont le couvercle fut rapidement fermé et boulonné. Les pompes fonctionnèrent aussitôt, et l’air fut emmagasiné dans le réservoir sous une pression de plusieurs atmosphères. Puis, Thomas Black prenant un des tuyaux de cuir soudés au réservoir, et qui, une fois le robinet ouvert, pouvait donner passage à l’air comprimé, il le promena sur les bords du glaçon, partout où la chaleur le dissolvait.

Quel effet se produisit, à l’étonnement de tous ! Partout où cet air était