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le pays des fourrures.

principalement, nous font une ruineuse concurrence. Pendant votre voyage, mon lieutenant, n’avez-vous rencontré aucun agent des compagnies américaines ?

— Aucun, répondit Jasper Hobson. Est-ce qu’ils fréquentent ces territoires si élevés en latitude ?

— Assidûment, monsieur Hobson, dit le sergent, et quand ces fâcheux sont signalés, il est bon de se mettre sur ses gardes.

— Ces agents sont-ils donc des voleurs de grand chemin ? demanda Mrs. Paulina Barnett.

— Non, madame, répondit le sergent, mais ce sont des rivaux redoutables, et quand le gibier est rare, les chasseurs se le disputent à coups de fusil. J’oserais même affirmer que, si la tentative de la Compagnie est couronnée de succès, si vous parvenez à établir un fort sur la limite extrême du continent, votre exemple ne tardera pas à être imité par ces Américains, que le ciel confonde !

— Bah ! répondit le lieutenant, les territoires de chasse sont vastes, et il y a place au soleil pour tout le monde. Quant à nous, commençons d’abord ! Allons en avant, tant que la terre solide ne manquera pas à nos pieds, et que Dieu nous garde ! »

Après trois heures de promenade, les visiteurs revinrent au fort Confidence. Un bon repas, composé de poisson et de venaison fraîche, les attendait dans la grande salle, et ils firent honneur au dîner du sergent. Quelques heures de causerie dans le salon terminèrent cette journée, et la nuit procura aux hôtes du fort un excellent sommeil.

Le lendemain, 31 mai, Mrs. Paulina Barnett et Jasper Hobson étaient sur pied dès cinq heures du matin. Le lieutenant devait consacrer tout ce jour à visiter le campement des Indiens et à recueillir les renseignements qui pouvaient lui être utiles. Il proposa à Thomas Black de l’accompagner dans cette excursion. Mais l’astronome préféra demeurer à terre. Il désirait faire quelques observations astronomiques et déterminer avec précision la longitude et la latitude du fort Confidence. Mrs. Paulina Barnett et Jasper Hobson durent donc faire seuls la traversée du lac, sous la conduite d’un vieux marin nommé Norman, qui était depuis de longues années au service de la Compagnie.

Les deux passagers, accompagnés du sergent Felton, se rendirent au petit port, où le vieux Norman les attendait dans son embarcation. Ce n’était qu’un canot de pêche, non ponté, mesurant seize pieds de quille, gréé en cutter, qu’un seul homme pouvait manœuvrer aisément. Le temps était beau. Il ventait une petite brise du nord-est, très favorable à la traversée. Le sergent Felton dit adieu à ses hôtes, les priant de l’excuser s’il ne les