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À LA NAGE.

encore Natcha appelant inutilement à l’aide. Que ne s’était-il arrêté alors ! Que de regrets, que de remords il se fût épargnés !

À peine si, au moment de sa fuite, il avait aperçu dans l’obscurité la masse sombre de la prison flottante dans laquelle il abandonnait, sans le savoir, celle qui lui était si chère. N’importe ! cela suffirait. Il était impossible qu’il passât en vue de ce chaland sans qu’au fond de son être une voix mystérieuse ne l’en avertît.

En vérité, l’espoir de Serge Ladko était moins présomptueux qu’on ne pourrait être tenté de le croire. Ses chances d’erreur étaient, en effet, très réduites par la rareté des chalands sillonnant le Danube. Leur nombre, qui, depuis Orsova, n’avait cessé de diminuer, était devenu tout à fait insignifiant à partir de Roustchouk, et les derniers s’étaient arrêtés à Silistrie. En aval de cette ville, que la barge eut dépassée en vingt-quatre heures, il ne resta que deux gabarres sur le fleuve, où régnaient presque exclusivement désormais les bâtiments à vapeur.

C’est qu’à la hauteur de Roustchouk le Danube est immense. S’étalant sur la rive gauche en interminables marais, son lit y dépasse deux lieues. En aval, il est plus vaste encore, et, entre Silistrie et Braïla, atteint parfois jusqu’à vingt kilomètres de largeur. Cette étendue d’eau, c’est une véritable mer, à laquelle ne manquent ni les tempêtes, ni les lames couronnées