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LE PILOTE DU DANUBE.

— Je dois vous prévenir, dit Striga, que je tiens à être à la mer avant la nuit.

— Nous y serons », affirma le pilote, sans montrer la moindre velléité de modifier sa décision.

Striga s’éloigna vers l’avant. À en juger par l’expression réfléchie de son visage, il lui restait un souci. Que le mari s’offrît à conduire précisément le chaland dans lequel sa femme était retenue prisonnière, cette coïncidence était tout de même par trop extraordinaire. Certes, rien ne pouvant empêcher que Serge Ladko ne fût seul à bord contre six hommes déterminés, Striga eût sagement fait en ne cherchant pas plus loin. Mais il se tenait en vain ce raisonnement irréfutable. C’était pour lui un besoin de savoir si la disparition de Natcha était connue du principal intéressé. Sa curiosité surexcitée ne lui laissa pas de cesse qu’il n’y eût cédé.

« Avez-vous reçu des nouvelles de Roustchouk depuis que vous l’avez quitté ? demanda-t-il en revenant vers le pilote qui continuait paisiblement son repas.

— Jamais, répondit celui-ci.

— Ce silence ne vous a pas surpris ?

— Pourquoi m’aurait-il surpris ? demanda Serge Ladko en fixant son interlocuteur.

Quelle que fût son audace, celui-ci se sentit gêné sous ce ferme regard.

— Je croyais, balbutia-t-il, que vous y aviez laissé votre femme.