Page:Verne - Le Secret de Wilhelm Storitz, 1910.djvu/193

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
175
LE SECRET DE WILHELM STORITZ.

les scènes de la soirée de fiançailles, les scènes de la cathédrale ? Entendait-elle les menaces proférées contre elle et contre Marc ? Il eût été désirable qu’il en fût ainsi, et que son intelligence eût conservé le souvenir du passé.

On voit quelle était l’existence de cette malheureuse famille. Mon frère ne quittait pas l’hôtel. Il restait près de Myra, avec le docteur, avec Mme Roderich, faisant prendre de sa main à la malade un peu de nourriture, cherchant sans cesse si quelque lueur de raison reparaissait dans son regard :

L’après-midi du 16, j’errais seul par les rues de la ville, au hasard. L’idée me vint de passer sur la rive droite du Danube. C’était une excursion toujours projetée, que les circonstances ne m’avaient pas encore permis de faire, et dont je ne profiterais guère, d’ailleurs, dans l’état d’esprit où je me trouvais. Je me dirigeai donc vers le pont, je traversai l’île Svendor, et je mis le pied sur la rive serbienne.

Ma promenade se prolongea plus que je n’en avais l’intention. Les horloges avaient sonné la demie de huit heures quand je revins au pont, après avoir dîné dans un cabaret serbe riverain du fleuve. Je ne sais quelle fantaisie me prit alors. Au lieu de rentrer directement, je ne franchis que la première partie du pont, et je descendis la grande allée centrale de l’île Svendor.

À peine avais-je fait une dizaine de pas, que j’aperçus M. Stepark, Il était seul, il m’aborda, et la conversation s’engagea aussitôt sur le sujet qui nous préoccupait tous les deux.

Notre promenade durait depuis une vingtaine de minutes, lorsque nous atteignîmes la pointe septentrionale de l’île. La nuit achevait de tomber, l’ombre s’épaississait sous les arbres et dans les allées désertes. Les chalets s’étaient fermés, et nous ne rencontrions plus personne.

L’heure était venue de rentrer à Ragz, et nous allions nous y décider, lorsque quelques paroles arrivèrent à nos oreilles.

Je m’arrêtai soudain, et j’arrêtai M. Stepark en le saisissant