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Page:Verne - Le Sphinx des Glaces, 1897.djvu/219

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une voix dans un rêve.

cormorans, de ces albatros à teinte fuligineuse des hautes latitudes. Sur la mer flottaient çà et là de larges méduses, parées des couleurs les plus tendres, s’étalant en ombrelles ouvertes. Quant aux poissons, dont les pêcheurs de la goélette purent faire ample provision, soit à la ligne, soit à la foëne, je citerai plus particulièrement des coryphènes, sortes de dorades géantes, longues de trois pieds, d’une chair ferme et savoureuse.

Le lendemain matin, après une nuit calme pendant laquelle la brise avait un peu molli, le bosseman me rejoignit, la figure riante, la voix fraîche, en homme qui ne s’inquiète guère des contingences de la vie.

« Bonjour, monsieur Jeorling, bonjour ! s’écria-t-il. D’ailleurs, dans ces régions australes et à cette époque de l’année, il ne serait pas permis de souhaiter le bonsoir, puisqu’il n’existe aucun soir ni de bonne ni de mauvaise qualité…

— Bonjour, Hurliguerly, répondis-je, tout disposé à soutenir une conversation avec ce joyeux causeur.

— Eh bien, comment trouvez-vous les mers qui se développent au-delà de la banquise ?…

— Je les comparerais volontiers, répondis-je, aux grands lacs de la Suède ou de l’Amérique.

— Oui… sans doute… des lacs entourés d’ice-bergs en guise de montagnes !

— J’ajoute que nous ne pourrions désirer mieux, bosseman, et, à la condition que le voyage continue de la sorte jusqu’en vue de l’île Tsalal…

— Et pourquoi pas jusqu’au pôle, monsieur Jeorling ?…

— Le pôle ?… Il est loin, le pôle, et l’on ne sait guère ce qui s’y trouve !…

— On le saura lorsqu’on y sera allé, riposta le bosseman, et c’est même la seule manière de le savoir !

— Naturellement, Hurliguerly, naturellement… Mais l’Halbrane n’est point partie pour découvrir le pôle Sud. Si le capitaine Guy