de nature à justifier mes inquiétudes relativement aux dispositions fâcheuses de notre équipage.
Les hommes déjeunaient dans le poste, à l’exception de Drap et de Stern, en ce moment de quart sur l’avant. La goélette fendait les eaux sous une fraîche brise avec toute sa voilure haute et basse. Francis, à la barre, gouvernait au sud-sud-est de manière à porter bon plein.
Je me promenais entre le mât de misaine et le grand mât, regardant les bandes d’oiseaux, qui poussaient des cris assourdissants et dont quelques-uns, des pétrels, venaient parfois se percher sur le bout des vergues. On ne cherchait point à s’en emparer ni à les tirer. C’eût été cruauté bien inutile, puisque leur chair, huileuse et coriace, n’est point comestible.
À ce moment Hurliguerly s’approcha de moi, après avoir regardé ces oiseaux, et me dit :
« Je remarque une chose, monsieur Jeorling…
— Et laquelle, bosseman ?…
— C’est que ces volatiles ne s’envolent plus vers le sud aussi directement qu’ils l’avaient fait jusqu’ici… Quelques-uns se disposent à gagner le nord…
— Je l’ai remarqué comme vous, Hurliguerly.
— J’ajoute, monsieur Jeorling, que ceux qui sont là-bas ne tarderont pas à revenir.
— Et vous en concluez ?…
— J’en conclus qu’ils sentent l’approche de l’hiver…
— De l’hiver ?…
— Sans doute.
— Erreur, bosseman, et l’élévation de la température est telle que ces oiseaux ne peuvent songer à regagner si prématurément des régions moins froides.
— Oh ! prématurément, monsieur Jeorling…
— Voyons, bosseman, ne savons-nous pas que les navigateurs ont toujours pu fréquenter les parages antarctiques jusqu’au mois de mars ?…