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Page:Verne - Le Sphinx des Glaces, 1897.djvu/338

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Je fis ce que demandait Hurliguerly.

« Voyez-vous ?… reprit-il. Que je perde l’envie de boire ma topette de whisky, si ces masses ne se déplacent pas, non par rapport à la goélette, mais par rapport à elles-mêmes…

— Et vous en concluez ?…

— Que ce sont des ice-bergs en mouvement.

— Des ice-bergs ?…

— Assurément, monsieur Jeorling. »

Le bosseman ne se trompait-il pas ?… Était-ce donc une déception qui nous attendait ?… Au lieu d’une côte, n’y avait-il au large que des montagnes de glace en dérive ?…

Il n’y eut bientôt aucune hésitation à cet égard, et, depuis quelques instants déjà, l’équipage ne croyait plus à l’existence de la terre dans cette direction.

Dix minutes après, l’homme du nid de pie annonçait que plusieurs ice-bergs descendaient du nord-ouest, obliquement à la route de l’Halbrane.

Quel déplorable effet cette nouvelle produisit à bord !… Notre dernier espoir venait soudain de s’anéantir !… Et quel coup pour le capitaine Len Guy !… Cette terre de la zone australe, il faudrait la chercher sous de plus hautes latitudes, sans même être sûr de jamais la rencontrer !…

Et alors ce cri, presque unanime, retentit sur l’Halbrane :

« Pare à virer !… Pare à virer ! »

Oui, les recrues des Falklands déclaraient leur volonté, exigeaient le retour en arrière, bien que Hearne ne fût pas là pour souffler l’indiscipline, — et, je dois l’avouer, la plupart des anciens de l’équipage semblaient d’accord avec eux.

Jem West, n’osant pas leur imposer silence, attendit les ordres de son chef.

Gratian, à la barre, était prêt à donner un tour de roue, tandis que ses camarades, la main sur les taquets, se disposaient à larguer les écoutes…